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voir employée dans la guerre, à l’exemple du Chili, elles savaient encore imiter la sagesse de la nation chilienne, et mettre une égale énergie à maintenir la stabilité de leurs institutions et à développer chez elles les élémens de la prospérité publique. Ce ne sont en effet que les suites des révolutions intérieures, l’impossibilité où se sont parfois trouvés les gouvernemens sud-américains de remplir envers les étrangers leurs devoirs de protecteurs et de sauvegarder les intérêts généraux du commerce international qui ont amené la plupart des conflits avec l’Europe et des interventions armées. Les désordres, les changemens perpétuels dont ces pays étaient le théâtre, empêchaient qu’on leur accordât assez de confiance pour établir avec eux des rapports basés sur une parfaite égalité. Si la guerre contre l’Espagne devient le point de départ d’une transformation dans leur situation intérieure, personne ne songera certes à la regretter.

Au reste les républiques alliées auraient tort de s’exagérer l’importance des avantages qu’elles ont obtenus au point de devenir à leur tour provocatrices. Sans doute leur défense a été heureuse, mais la mauvaise direction donnée à l’attaque n’a pas peu contribué à leur succès. Toutes leurs forces réunies n’eussent pu déloger l’escadre espagnole des Chinchas. Si les successeurs de l’amiral Pinzon, moins dédaigneux de leurs adversaires, moins disposés à maintenir une sorte de suprématie de l’Espagne sur toute l’Amérique du Sud, eussent concentré leurs attaques contre un seul des états coalisés au lieu de les porter successivement de l’un à l’autre, ces attaques auraient probablement obtenu de meilleurs résultats. Si enfin l’adhésion sans réserve de l’Espagne au traité de Paris eût enlevé au Chili le droit d’armer des corsaires, si des finances en meilleur état eussent permis de prolonger l’expédition après le double bombardement de Valparaiso et du Callao, et surtout si les peuples américains eussent été convaincus que les puissances européennes ne leur demandaient que des satisfactions légitimes, sans en vouloir à leur autonomie, le succès eût pu être bien différent.

Quoi qu’il en soit, l’assurance qu’ils pourraient désormais se servir avec succès de leurs forces militaires a donné aux états du Pacifique, au Chili notamment, le désir de les accroître. L’armée régulière chilienne va être augmentée. Les deux corvettes jadis commandées en Angleterre, et retenues pendant la durée des hostilités, rejoignent les ports chiliens. Le Pérou a également ajouté à son escadre deux monitors cuirassés dont la présence dans l’Atlantique a causé de sérieuses appréhensions au commerce espagnol. Cette préoccupation qui se remarque chez quelques-uns des états du Pacifique coïncide avec le déploiement des ressources militaires