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que la guerre du Paraguay a exigé de la part des états américains de l’Atlantique. Il est à souhaiter qu’elle ne donne pas naissance à des idées d’agression et de conflit entre des voisins que la communauté de leur origine n’a pas toujours maintenus en parfaite intelligence.

Il est vrai que les idées d’union dont le congrès de Lima avait essayé de poser la théorie paraissent avoir fait certains progrès. Pendant que trois des états américains de la Plata s’unissaient contre le Paraguay, les quatre républiques du Pacifique, obéissant à des vues moins égoïstes, se coalisaient pour la première fois, afin de défendre des intérêts communs. Sans doute depuis que les circonstances qui avaient provoqué l’alliance ont perdu leur caractère d’urgence, il semble que l’intimité se relâche. Le gouvernement qui vient de remplacer au Pérou celui du colonel Prado parle de faire réviser le pacte d’alliance, et de remettre à une nouvelle discussion les traités qui, postérieurement intervenus entre les alliés, devaient faciliter entre eux les relations commerciales et établir une entière communauté de vues sur certains principes de droit international. La divergence des opinions s’accuse également à propos des diverses propositions de médiation. Ce n’en est pas moins un symptôme significatif que la conclusion de la quadruple alliance, dût-elle n’être que momentanée. Qu’elle soit rompue aujourd’hui, le premier exemple a été donné, et elle pourra se reformer devant de nouveaux périls, de quelque part qu’ils puissent venir.

Néanmoins, si des alliances particulières se sont déjà établies, l’union, projetée jadis au congrès de Lima, de tous les états sud-américains en une seule confédération est devenue moins facile. Il semble que la coïncidence de la guerre du Pacifique avec celle du Paraguay ait eu ce résultat, de séparer au moins temporairement les états du continent sud-américain en trois groupes très distincts ayant chacun leur politique différente. Au nord, la Nouvelle-Grenade et le Venezuela, tous deux riverains de la mer des Antilles, et formant chacun une confédération républicaine organisée sur le modèle de la confédération des États-Unis, sont demeurés étrangers à l’un comme à l’autre conflit. La quadruple alliance des républiques du Pacifique a témoigné de ses sympathies pour le Paraguay, tandis que la ligue des trois états de l’Atlantique refusait de prêter aucun concours aux belligérans armés contre l’Espagne, et maintenait la neutralité la plus absolue. Les nations riveraines du Pacifique, tout en entretenant avec l’Europe des relations commerciales étendues, se trouvent néanmoins peut-être trop éloignées pour conserver avec elle une communauté constante de sentimens et d’intérêts. Les états de l’Atlantique, empire ou républiques, semblent plus disposés à rester attachés à l’Europe, en même temps