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des Pyrénées ; sans doute aussi ces événemens touchent la France de près, et même à un jour donné, selon le tour qu’ils prendront, selon les circonstances, ils peuvent avoir une certaine action dans la politique ; mais enfin cette insurrection espagnole, à la fois si imprévue et si prévue, n’est point un de ces coups de théâtre qui changent le cours général des choses et qui éclipsent tout. Ce n’est qu’un élément de plus, un élément indirect et lointain, dans une situation où la France reste en tête-à-tête avec de bien autres questions, avec de bien autres difficultés, qui tiennent à son régime intérieur aussi bien qu’à l’état de l’Europe. La France est occupée aujourd’hui comme hier à se reconnaître dans cet imbroglio européen qu’elle a devant elle, qui est un peu son œuvre, et où elle ne voit pas clair. La France ne peut arriver à voir clair, et voilà justement pourquoi elle ne cesse de se débattre dans ses perplexités, interrogeant un jour le sens d’un discours du roi de Prusse, se demandant le lendemain si le grand-duché de Bade n’est point décidément lié par quelque traité secret à la confédération de l’Allemagne du Nord, épuisant dans sa vive et impatiente imagination toutes les possibilités, toutes les éventualités qui peuvent sortir d’une situation si complexe et si incertaine. Une chose seulement commence à se dessiner à travers ces obscurités, c’est que la politique française est évidemment engagée sur certains points. Ainsi il devient aisé de distinguer que dans la pensée du gouvernement français le traité de Prague ne saurait en aucun cas aller rejoindre le traité de Zurich ; les combinaisons qu’il a consacrées, les frontières qu’il a tracées en Allemagne, doivent rester sérieuses et entières, et, si elles cessaient d’être sérieuses, les complications ne tarderaient pas sans doute à renaître. Par cela même, le grand-duché de Bade ne pourrait entrer dans la confédération de l’Allemagne du Nord sans qu’il y eût aussitôt un danger de conflit. Tant que ces événemens ne seront point accomplis, tant que le traité de Prague restera intact et que les ministres du grand-duc de Bade se borneront à des discours, la paix peut durer encore, c’est la mesure de sécurité qui nous est accordée ; mais qui peut dire que rien ne sera fait, que tout restera selon nos vœux, et cela n’est-il pas suffisant pour entretenir ces agitations d’opinion auxquelles on applique avec autant de persévérance que d’insuccès la douche des explications officielles ?

Que l’opinion, depuis quelque temps surtout, ait des dispositions malheureuses à s’agiter et à ne pas se laisser rassurer, qu’elle ajoute souvent aux dangers naturels d’une telle situation des dangers imaginaires et qu’elle s’abandonne à d’étranges paniques, soit, on peut bien l’admettre. Allons plus loin, et admettons même, si l’on veut, quoique ce soit bien extrême, qu’il y ait des partis intéressés à semer et à irriter l’inquiétude ; mais il faut convenir aussi que parmi les médecins tant-mieux chargés de contredire périodiquement les médecins tant-pis, on fait tout