Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/761

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eu recours à ce procédé aussi nouveau que peu efficace pour tranquilliser l’opinion. Pourquoi donc nos trois augures ministériels ne se seraient-ils pas réunis aujourd’hui pour nous rassurer sur le voyage du tsar à Berlin ?

Tout cela veut dire qu’il y a des momens où rien ne réussit, qu’il y a des situations où l’on n’a que le choix des méprises et des maladresses, que le régime où ces incohérences se produisent est désormais insuffisant devant le mouvement des esprits et des intérêts, qu’il faut autre chose pour réveiller la confiance, et que le vrai remède enfin, c’est un système nouveau de garanties publiques. Oui, en vérité, tout le démontre assez clairement, il y a un étroit lien entre notre politique extérieure et notre politique intérieure, et notre rôle en Europe se rattache intimement à une extension de liberté qu’on ne pourra désormais ajourner sans rendre la transition plus difficile et plus périlleuse, sans énerver l’action de la France dans le monde. Le gouvernement, s’il le veut, peut se donner le plaisir facile, et nous oserions dire futile, de compter ses succès dans les élections partielles qui viennent de se succéder. La défaite signalée et inquiétante qu’il avait essuyée dans le Jura est compensée pour lui par l’avantage qu’il a retrouvé sur d’autres points. Il a triomphé de M. Dufaure à Toulon par bien des raisons diverses ; il a vaincu dans la Nièvre et dans la Moselle presque sans combat et surtout sans gloire, tant la lutte a été peu significative ou inégale : il vaincra peut-être encore dans d’autres élections. Bien loin de diminuer ses succès, nous les constatons, sans rechercher même comment ils ont été obtenus, sans décomposer des chiffres de scrutin qui se prêtent à toutes les combinaisons ; mais la victoire matérielle reste pour ce qu’elle est, et ce serait une singulière méprise de voir dans des résultats partiels une mesure exacte de ce réveil public qui se manifeste depuis quelque temps sous des formes si multipliées et quelquefois si vives.

La vérité est qu’en dehors des sphères officielles et des opérations électorales ce mouvement existe, qu’il a une force intime, qu’il a tous les caractères d’une sérieuse renaissance politique ; mais en définitive quelle en sera l’issue, et à quelles conditions peut-il devenir irrésistible ? La première de toutes les conditions sans nul doute, ce serait de savoir ce qu’on veut et de ne pas jeter la division dans l’âme du pays. Qu’arrive-t-il cependant ? On entre à peine dans cette ère nouvelle, et déjà on crée des camps ennemis, on lève des drapeaux différens, on réveille les ombrages et les ressentimens, et en fin de compte ce qu’on trouve de mieux, au lendemain de ces élections dernières où le gouvernement a triomphé, c’est de se quereller, de se renvoyer mutuellement la responsabilité de la défaite, d’opposer l’union démocratique à l’union libérale. Le secret de cette guerre, c’est que malheureusement aujourd’hui comme dans, d’autres temps il y a un parti aux convictions ardentes et sincères, nous n’en doutons pas, mais à l’esprit facilement fanatisé, toujours porté