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LA
CRISE RELIGIEUSE
AU DIX-NEUVIEME SIECLE

Si l’on étend la vue sur l’immense empire géographique des religions en plein XIXe siècle, on comprend que ce spectacle soit aussi propre à décourager les libres penseurs, qui voudraient espérer le règne prochain de la raison pure sur la planète, qu’à rassurer les croyans, que les progrès de l’incrédulité pendant ces trois derniers siècles ont pu effrayer. Qu’on ouvre les livres de géographie et de statistique religieuse, on y verra quel chemin reste à faire à l’humanité après celui qu’elle a mis tant de siècles à parcourir[1]. Assurément de pareilles statistiques ne peuvent avoir qu’une valeur approximative ; les erreurs y sont inévitables, vu l’insuffisance des documens, et se comptent par des millions. Cela suffit néanmoins pour fixer la pensée sur l’état religieux du monde. On voit que, loin de se rapprocher du terme marqué par la philosophie, la très grande majorité du genre humain n’est pas même entrée dans le système des sociétés chrétiennes. Le catholicisme compte moins de fidèles que le bouddhisme, et le nombre de ses sectateurs, comparé au

  1. Fétichisme, sabéisme, chamanisme et autres cultes primitifs. 107,000,000
    Religions de Zoroastre, de Confucius, du Sainto 40,000,000
    Brahmanisme 60,000,000
    Bouddhisme 170,000,000
    Islamisme avec toutes ses branches 96,000,000
    Judaïsme 4,000,000
    Église grecque avec toutes ses branches 62,000,000
    Église catholique 139,000,000
    Protestantisme avec toutes ses sectes 59,000,000