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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/838

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plication de la doctrine. Un dogme immuable, une église inflexible, des peuples disciplinés, pour lesquels le symbole est une sorte de consigne, voilà, il semble, des obstacles insurmontables aux succès des réformes conçues et prêchées par les écoles néo-catholiques. Parce côté-donc, le christianisme paraît fermé aux entreprises de transformation religieuse.


III.

Le protestantisme ouvre une voie tout autrement large à l’esprit de réforme. Quelque étranges que puissent paraître à Rome les alliances proposées par les écoles néo-catholiques, ni Bordas-Dumoulin, ni Buchez, ni Lamennais lui-même, ne touchaient au dogme, tandis que le protestantisme le plus conservateur en était déjà lui-même une réforme considérable ; mais le christianisme ainsi réformé ne pouvait suffire aux besoins de l’esprit nouveau qui travaille la société protestante bien plus encore que la société catholique. Déjà, on a vu les écoles de théologie, en Allemagne, ramener le dogme chrétien soit à l’idéalisme de Kant, soit à celui de Schelling ou de Hegel, selon leurs affinités avec les maîtres de la philosophie allemande ; mais ces interprétations hardies, qui aboutissaient à une transformation aussi radicale, ne dépassaient pas l’étroite enceinte de l’école, elles ne faisaient guère d’adeptes que dans le monde de la science et de l’enseignement. Pour voir l’esprit de réforme descendre dans les diverses classes de la société elle-même, il faut passer de la spéculative Allemagne aux grands pays de l’action religieuse comme de l’action politique, à l’Angleterre, à la France, surtout aux États-Unis. Là, ce n’est plus une école dont les adeptes rêvent, en théorie, des transformations plus ou moins radicales de la doctrine chrétienne, sans cesser, en pratique, de rester fidèles à la communion à laquelle ils appartiennent, ce n’est même plus une secte plus ou moins étendue qui prend sa place à côté des mille sectes qui existent déjà, c’est une grande société chrétienne qui se crée en s’appuyant sur l’unique base du sentiment moral qui a sa plus haute expression dans l’Évangile. Cette société à peine née d’hier grandit rapidement et prend des proportions considérables. Bien différente de tant d’autres qui l’ont précédée et qui s’étaient formées sous l’influence et l’action de causes locales ou spéciales, telles que le lieu, la race, la constitution politique ou sociale, elle est la dernière fille du protestantisme allié à la liberté moderne, et n’usurpe point un titre faux en se nommant le christianisme libéral. En Amérique, ce protestantisme tend à réunir sous un commun symbole toutes les sociétés religieuses qui comprennent que la véritable pensée chrétienne est