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netteté et de force que M. E. Fontanès comment il est possible de rester chrétien sans faire de tel dogme ou de tel fait historique l’objet d’un article de foi pour le croyant. Il prend successivement pour texte de discussion les dogmes du surnaturel, du péché originel, de l’expiation, la divinité de Jésus-Christ, et s’efforce de montrer que le dogme et l’histoire, quel qu’en soit l’objet, ne sont que des moyens plus ou moins propres à convaincre de la grande vérité métaphysique, morale et pratique qui est le but du christianisme[1]. Ainsi pourquoi le surnaturel? — « Le miracle n’a d’autre intérêt, d’autre utilité, que de maintenir la réalité du Dieu vivant, personnel; il n’est pas la chose essentielle, le but suprême de la foi; il n’est qu’un moyen pour conserver un bien plus précieux. On ne veut pas le sacrifier parce qu’on le regarde comme un boulevard nécessaire contre les envahissemens du panthéisme. Vous pouvez accuser les adversaires du surnaturel d’imprudence, mais vous n’êtes pas admis à leur contester leur titre d’hommes religieux, de chrétiens, car ils sont comme vous, ils restent unis au même Dieu, au père de Jésus-Christ[2]. »

Pourquoi le dogme du péché originel? — « Ce dogme prétend exprimer ce fait d’expérience intime, toujours plus confirmé par l’observation de la nature humaine, que nous sommes enclins au mal... Si donc nous nous accordons à maintenir ce fait, est-on autorisé de s’écrier qu’il ne peut y avoir de communion spirituelle entre ceux qui nient et ceux qui affirment la chute et le péché originel[3]? » Enfin pourquoi le dogme de la divinité de Jésus-Christ? « — L’intérêt qui se rattache à ce dogme, c’est la foi à la vérité, à l’excellence du lien religieux, des relations filiales que Jésus a établies entre l’homme et Dieu. Voilà l’intérêt, le but du dogme... La question suprême est non pas le dilemme Dieu ou homme, non, mais celle-ci : Jésus est-il un rêveur, un utopiste qui égare l’humanité, dont il faut effacer le nom et bannir la mémoire? ou bien est-il le chef, le maître, l’initiateur de l’humanité, celui qui la précède sur la voie royale du sacrifice et lui ouvre les immortelles destinées? Ah ! ne tentons point de séparer ceux qui aiment Jésus! Quelle que soit l’église qui les a vus naître, ils sont frères; ils sont unis par le lien le plus doux et le plus fort, et quand l’épais brouillard qui pèse sur la chrétienté de ce temps sera dissipé, tous seront étonnés d’avoir pu méconnaître dans leur prochain le disciple de Jésus. »

Et l’éloquent ministre termine sa discussion par cette conclusion

  1. Alliance évangélique de Neuilly. Discours d’inauguration de M. E. Fontanès sur L’unité de l’esprit parmi les chrétiens.
  2. Ibid.
  3. Ibid.