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jours la preuve sous les yeux. Un chemin de fer est établi dans une contrée qui en manquait et qui n’avait pas de moyens de communication faciles; la première année les transports sont très limités, la deuxième année ils augmentent, et au bout de très peu de temps le matériel devient insuffisant, toutes les prévisions sont dépassées. Que s’est-il passé pour opérer un tel résultat? Il y a eu tout simplement ce fait, que de nouvelles industries se sont créées sur le parcours du chemin de fer, que celles qui existaient ont développé leurs produits, et cela parce qu’on a eu à sa disposition un moyen de transport commode, rapide et à bon marché. Il en est de même pour les métaux précieux. Une découverte comme celle des placers de la Californie et de l’Australie, en fournissant au monde en plus grande quantité l’instrument d’échange, devait agir nécessairement sur le mouvement des affaires et le développer davantage, ce qui renverse le raisonnement de ceux qui prétendent que l’exploitation des mines est un travail stérile, parce qu’il ne tend qu’à augmenter le poids de la monnaie, et rend insuffisante l’explication de M. Newmarch, qui ne voit de source de richesse dans les mines nouvelles que par le travail qu’elles ont procuré. M. Hume a dit, en parlant de la monnaie, qu’elle n’était pas un des rouages du commerce, qu’elle en était seulement l’huile qui rend le mouvement plus facile et plus doux. Nous croyons qu’il se trompe, et que la monnaie est précisément un des rouages du commerce, et un des plus essentiels; mais, en s’en tenant à son explication, on trouverait encore que plus l’huile est abondante, plus on a le moyen de rendre les rouages actifs, et plus même on peut en créer de nouveaux. Les mines d’or ont donc aidé elles-mêmes au mouvement commercial qui était destiné à les absorber. Maintenant dans quelle mesure l’ont-elles fait? Les produits qu’elles ont fournis ont-ils été seulement proportionnels au mouvement d’affaires qu’ils ont fait naître? ont-ils été plus considérables? C’est la nouvelle question que nous allons examiner, question de fait plus que de théorie, sur laquelle les auteurs sont divisés, et qu’il est bien difficile en effet de trancher d’une façon absolue.


II.

La plus grande révolution monétaire qui ait eu lieu dans le monde date, avons-nous dit, de la découverte de l’Amérique. A cette époque, en 1492, de l’aveu de la plupart de ceux qui ont écrit sur la matière, il pouvait y avoir en Europe et dans les pays civilisés avec lesquels elle était en rapport 1 milliard de numéraire, 300 millions en or et 700 millions en argent. Le reste de la