Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/987

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment dans le domaine de l’art pas plus que dans celui de la science. Il peut toutefois l’aider ou le ralentir, et il semble décidé à l’aider. Pour cela, le mieux que chez nous on attende de lui, c’est de ne point s’opposer à la libre initiative des individus et de laisser se propager les méthodes qui seront reconnues bonnes. Ce point est important. Ce n’est pas sans le secours de méthodes excellentes, on en est convaincu aujourd’hui, que les artistes du {{rom|xvi}e siècle purent entasser en peu d’années et léguer à la postérité tant d’œuvres dignes d’admiration.

I.

On a vu qu’à Paris l’introduction graduelle du sentiment de l’art dans les professions les plus humbles était de toutes parts favorisée. Cela est vrai surtout en ce qui concerne les établissemens fondés par la ville, et ils sont nombreux. En 1867, soixante classes de dessin fonctionnaient dans les écoles primaires de garçons, trente-deux cours d’adultes étaient ouverts aux jeunes gens, sept écoles subventionnées recevaient les élèves de la ville, vingt écoles donnaient l’enseignement gratuit aux jeunes filles. Un concours était établi entre les écoles laïques et congréganistes. Les professeurs étaient intéressés par des avantages particuliers aux succès de leurs élèves. Des examens avaient été institués, des diplômes délivrés aux professeurs des deux sexes. Dès 1865, vingt-sept diplômes avaient été déjà octroyés pour le dessin d’art, treize pour le dessin linéaire ou géométrique. Des professeurs femmes obtenaient également, après examen, une douzaine de diplômes. Les efforts n’ont point été aussi grands, nous avons le regret de le constater, dans les établissemens tenus par des particuliers. Il résulte d’un rapport publié l’an dernier par la société pour l’instruction élémentaire, à la suite de concours qu’elle avait organisés, que l’enseignement du dessin est presque nul dans la plupart des écoles primaires libres, et, malgré une aptitude spéciale que les jeunes filles paraissent avoir pour les notions d’art, elles seraient beaucoup plus faibles en dessin que les jeunes garçons ; leurs travaux attestent une insuffisance de direction vraiment déplorable.

Si telle est la situation dans une ville où l’on a déjà tant fait pour l’enseignement primaire du dessin, on comprend que dans les autres, dans les bourgades, dans les villages, on soit bien plus en arrière. Quand en 1867, au dire des rapports officiels, les instituteurs venus de tous les points de la France et conduits dans les galeries du Louvre arrivèrent dans la salle réservée à la Vénus de Milo, « des applaudissemens spontanés éclatèrent de toutes parts. »