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leur feraient facilement saisir. Les dessins des maîtres seraient encore ce qu’il y a de mieux en ce genre. Ils sont peu répandus jusqu’à ce jour, et l’on ne s’explique pas trop pourquoi. Le Louvre, la galerie des Offices, Dresde, l’Ermitage et tant de collections célèbres abondent en dessins plus appropriés qu’on ne croit aux besoins des élèves. Qu’on songe au profit qu’il y aurait pour tous à vivre dans le commerce de ces belles choses. Le vieil adage, devenu banal et vulgaire à, force d’être répété, « dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es, » n’est pas moins vrai pour l’art que pour le reste. Ce qu’on nomme assez improprement une méthode de dessin, et qu’il vaudrait mieux appeler une collection de modèles, devrait être simple, clair, aisément intelligible, suffisamment expressif. Le plus souvent les modèles doivent acheminer pas à pas l’élève d’une difficulté à une autre. S’ils se composent seulement de contours, il faut que le trait soit serré ; s’ils ont pour objet d’exprimer le relief, il faut que la dégradation des plans, de l’ombre, de la lumière, soit sobrement indiquée.

Nous voudrions que dans les écoles populaires d’enfans ou d’adultes le professeur ne se contentât point de donner un modèle lithographie ou gravé à copier servilement, comme une sorte de pensum. Exercice bizarre que le dessin ainsi compris ! Si les élèves ne sont pas rebutés tout d’abord, c’est grâce à quelques dispositions naturelles que d’instinct ils prennent plaisir à développer. Pourquoi change-t-on en contrainte morale ce qui peut être avant tout une libre expansion des facultés ? La raison en est simple : la plupart des professeurs se sont à peine rendu compte de ce qu’ils enseignent ; de là pour eux la difficulté de donner certains conseils qu’ils auraient eux-mêmes besoin de recevoir. Dans le plus pauvre village, le maître devrait expliquer ou plutôt faire expliquer le modèle qu’il confie à ses élèves. Cette explication, qui se passerait en conversation, sans pédantisme, forcerait l’enfant à chercher ses réponses, à examiner, à réfléchir. Tant de travaux sont exécutés avec répugnance, tant d’études et de bon vouloir sont gaspillés aujourd’hui sans profit parce que la curiosité de l’écolier n’est pas suffisamment éveillée, et qu’il termine les détails sans avoir saisi les raisons de l’ensemble. Serait-il si malaisé au professeur d’aider à comprendre le modèle ? Quand il remet une estampe représentant une figure, une tête, par exemple, ne saurait-il demander si cette tête est vue d’en haut, d’en bas, de face, de trois quarts ou de profil, de quel côté vient la lumière, pourquoi telle partie est éclairée, telle autre dans l’ombre ? Ne pourrait-il faire venir près de lui, pour l’instruction de tous, s’il pense en obtenir un résultat plus satisfaisant, un de ses élèves, montrer sur le vif comment la lumière