Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/999

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’instruction d’art. Ils conservent à cet égard une situation depuis longtemps acquise et qui n’est inférieure à celle d’aucun autre peuple d’Europe. Dans leurs écoles, qui sont à beaucoup de titres des modèles, l’enseignement populaire du dessin tient une grande place. Trois états en Allemagne prétendent à une sorte de suprématie intellectuelle et d’excellence en fait d’art ; ce sont la Prusse, la Saxe et la Bavière. Les prétentions de la Prusse à ce sujet sont récentes. Il semble même qu’elles tiennent moins à une prééminence dans les aptitudes naturelles qu’à un goût prononcé pour revendiquer en tout la part du lion. Pour la Saxe, elle n’en est plus à faire ses preuves comme nation artiste. Elle possédait un musée considérable, rival en plus d’un point de celui du Louvre, alors que Berlin songeait à peine à réunir les élémens de ses collections. Sa capitale se regarde comme la Florence de la Germanie. De son côté, la capitale de la Bavière se considère comme une nouvelle Athènes. Elle offre tant d’édifices de style et d’aspect divers, on a rassemblé dans ses collections, désignées par les noms trop savans, — pourquoi ne pas dire pédans ? — de Pinacothèque et de Glyptothèque, une telle profusion de statues et de tableaux antiques et modernes qu’il faut croire que la vue de tant d’œuvres choisies et souvent fort belles n’a pas été sans exercer quelque action sur ceux qui en jouissaient tous les jours. Cette espérance a du moins présidé aux embellissemens de Munich et à la fondation de ses somptueux musées. On a pensé que les hommes dont l’esprit est le moins disposé à se laisser toucher par l’idée de beauté morale, intellectuelle ou physique subissent à la longue et à leur insu l’influence des spectacles qui ont frappé leurs yeux dès l’enfance. Sans vouloir pousser trop loin la portée de ce raisonnement ni mener à perte de vue les conséquences d’une pareille tentative, l’idée qui l’a inspirée paraît excellente, et dans tous les cas elle révèle chez ceux qui gouvernent la Bavière un souci des plus méritoires pour le développement intellectuel des populations allemandes. Ce souci se montre dans tous les états voisins, et il est intéressant de signaler avec quelques détails les mesures qu’il a dictées pour l’organisation des écoles.

Bien qu’en Saxe l’instruction à tous les degrés soit en grand honneur, on n’a pas moins rendu obligatoire l’enseignement primaire, et les parens qui refuseraient, comme on le dit dans ce pays, « la nourriture intellectuelle » à leurs enfans seraient punis d’une amende ou d’une courte détention. La Saxe, qui dépense pour la rétribution de ses instituteurs primaires près de quatre millions, se croit en droit d’exiger d’eux un programme de connaissances plus étendu que celui qui est adopté chez nous. On attache une grande importance à ce que le futur maître ait des notions exactes de plu-