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L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

VIII.
DEAK FERENCZ[1]

Dans nos sociétés démocratiques, dit-on, il n’est plus d’homme, si éminent qu’il soit, qui exerce une influence décisive sur la marche des événemens : les peuples obéissent à certains courans d’idées qui les emportent malgré tout. Cette proposition n’est vraie qu’à moitié. Les hommes qui ne sont grands que parce qu’ils disposent d’un grand pouvoir ne sont plus autant qu’autrefois, il faut l’espérer, les maîtres de disposer à leur gré du sort de l’humanité; mais jamais ceux qui représentent un principe de justice n’ont exercé une action plus prompte, plus irrésistible, plus souveraine. Un soldat de fortune, vaincu, exilé, pauvre, sans autre bien que son épée, sort on ne sait d’où, met en fuite des armées, prend des villes au galop de son cheval, conquiert des royaumes, et, constituant l’unité de l’Italie, fonde en Europe un nouvel état de premier ordre. L’histoire, l’épopée même offre-t-elle un spectacle plus ex-

  1. Ferencz signifie François. En hongrois, le nom de baptême se met toujours après le nom de famille. J’ai emprunté les élémens de cette esquisse biographique d’abord à deux études publiées, l’une par M. Csengery sous le titre de Ungarn’s Redner und Staatsmänner, l’autre par un anonyme très bien renseigné, sous le titre de Ungarn’s Männer der Zeit, puis aux blue books du parlement anglais et aux notes manuscrites qu’a bien voulu me fournir un membre du parlement hongrois, M. Antoine Zichy.