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page, qu’il a fait appeler sur la dunette pour lui donner quelques ordres, a la tête emportée par un boulet. Rivalisant de bravoure et d’impassibilité avec son amiral, le comte de Toulouse voit tomber à côté de lui l’intendant de l’armée, et empêche qu’on ne jette son cadavre à la mer avant d’avoir visité ses vêtemens et s’être assuré qu’il ne porte sur lui aucun papier important. L’Eagle, que commande lord Hamilton, s’attaque au Foudroyant et est repoussé comme l’a été le Royal-Catherine. Ces deux vaisseaux, dépassant le Foudroyant, s’attaquent alors successivement à son matelot d’avant, le Vainqueur, dont le commandant, le bailli de Lorraine, mortellement frappé, doit expirer la nuit suivante. Son vaisseau avait déjà eu affaire à trois vaisseaux de 60 canons qui l’avaient abandonné. M. de Grandpré, qui vient d’en prendre le commandement, reçoit si vigoureusement le Royal-Catherine et l’Eagle, qu’il les force à s’éloigner. À bord du Terrible, de Relingue expirant se fait porter sur le pont, et de son cadre suit et dirige encore le combat. Le capitaine du Sérieux, Champmelin, aborde trois fois le Monk, que commande le capitaine Mills, et est sur le point de l’enlever quand le feu s’y déclare en trois endroits. Il l’abandonne alors, mais il a le temps de se saisir d’une flamme qu’il envoie au comte de Toulouse comme trophée de sa victoire. Les Anglais, qui ont l’avantage du vent, évitent avec soin l’abordage, que les Français au contraire recherchent avec ardeur.

À l’avant-garde, Shovel, se laissant dépasser par Villette-Mursai, engage avec Ducasse un vif combat d’artillerie. Le brave Ducasse, quoique atteint de deux blessures, reste sur le pont de l’Intrépide et force à la retraite le Barfleur, dont le nom perpétue chez les Anglais leur triomphe de La Hogue. Villette-Mursai force au bout d’une demi-heure le matelot de Shovel, qui l’a attaqué, à se retirer derrière son amiral. Trois autres vaisseaux qui engagent l’action avec lui ont successivement le même sort. Le vice-amiral Thomas Dilkes, qui monte le Kent, prend leur place ; mais Villette-Mursai est en train de vaincre, et il va forcer ce quatrième vaisseau à plier lorsqu’une bombe tombe sur la dunette du Fier, pénètre jusqu’à la première batterie, fait sauter l’arrière du vaisseau et met le feu dans toute sa poupe. Le désordre de cet accident fut d’autant plus grave qu’il y avait dans la galerie 50,000 cartouches de fusil qui partirent avec les armes de rechange chargées. Deux officiers sont tués, quelques autres blessés, le marquis de Villette est renversé et contusionné par les éclats. Le Fier se voit alors contraint d’arriver de deux airs de vent pour éteindre le feu de sa poupe. Malheureusement cette manœuvre tout indépendante est imitée par les vaisseaux qui le suivent, et l’avant-garde cesse un combat avantageux. Le