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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/222

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le pays toute l’extension dont elle est susceptible. Cette condition est indispensable. Grâce à une initiative individuelle résolue et persévérante, on a déjà vu s’introduire au Croisic pendant l’hiver la pêche de la crevette, qui s’exécute, non sans périls, dans de très petits canots, et donne environ pour 40,000 francs de produits annuels. C’est un chiffre bien minime sans doute; mais c’est un exemple utile pour stimuler la grande pêche côtière sur de fortes barques pontées, telle que la pratiquent dans le voisinage avec tant de profit les pêcheurs de l’île de Groix. Ainsi comprise, la pêche devient une industrie progressive, tandis que la pêche de la sardine, réduite à elle-même, semble devoir rester stationnaire.

Il ne suffirait pas néanmoins aux pêcheurs du Croisic, de la Turballe et des autres points de cette partie des côtes, d’obtenir l’amélioration de leurs ports et d’accroître le cercle de leurs opérations. Il faut encore qu’ils puissent compter sur des conditions favorables pour les envois et pour le commerce à l’intérieur de la France. La consommation du poisson devrait trouver une place beaucoup plus large dans l’alimentation publique. C’est un vrai malheur que l’on ait entassé chez nous comme à plaisir toutes les mesures tendant à ranger parmi les alimens de luxe ce produit sain, nourrissant, et qui pourrait être vendu à bon marché. L’obstacle principal à un accroissement de consommation propre à stimuler l’activité de la pêche provient de l’exagération des taxes d’octroi et des conditions de transport par les voies ferrées. Les chemins de fer n’ont jamais considéré le poisson frais comme un objet de première nécessité ; ils lui ont appliqué leurs tarifs les plus onéreux. Toutes les lignes ne possèdent pas même un matériel suffisamment approprié aux exigences de ces expéditions. On allègue qu’il n’y a pas assez d’envois, et on les empêche précisément ainsi de se multiplier. Longtemps certaines compagnies ne consentaient à recevoir le poisson que dans les voitures fermées de la messagerie ordinaire, ce qui rendait presque impossible le transport durant l’été. A un expéditeur qui demandait l’usage des voitures aérées servant au transport des animaux vivans, on a fini par accorder l’usage de trucs entièrement découverts, qui valent mieux sans doute que les voitures fermées, mais qui laissent le poisson, malgré la bâche qui le recouvre, trop exposé aux rayons du soleil. Quant à l’octroi, il y aurait sur ce sujet beaucoup à dire, et ce n’est pas seulement à propos de poisson que l’on peut relever une tendance générale et très fâcheuse qui se manifeste dans les administrations municipales. On dirait que la plupart puisent leurs inspirations dans cette fausse économie politique qu’on pourrait appeler l’économie de la cherté. Beaucoup d’industries en souffrent, la pêche côtière