relief, mais suffit au drame, à la musique. Mlle Mauduit, elle, joue d’instinct, comme l’intelligence lui en dit, et chante en cantatrice assez sûre d’elle-même pour ne craindre personne et triompher des difficultés d’une musique très souvent écrite trop bas. Dans le finale du second acte, sa belle voix s’est déployée avec une aisance, une vigueur dont le public l’a tout de suite récompensée, et ceux qui l’attendaient au grand duo avec Hamlet n’ont pu qu’applaudir à l’autorité parfaite de son geste et de son accent. Remplacer de la sorte, c’est créer à son tour. Il n’y a peut-être pas quatre ouvrages du répertoire où Mlle Mauduit n’ait ainsi figuré à son heure. Quel fonds il faut avoir de musicienne et d’artiste pour se prêter, suffire à toutes les combinaisons et toujours avec honneur, c’est ce que ceux-là seuls peuvent savoir qui ont vu de près les choses de théâtre, et connaissent la vraie valeur des services rendus.
Le nouveau directeur du Théâtre-Lyrique est un des plus actifs et des plus convaincus protagonistes des ouvrages de Richard Wagner. Nul doute qu’il n’ait hâte maintenant de compléter par la mise en scène ce qu’il a fait pour la musique de l’avenir dans ces fameux concerts populaires dont quelques très remarquables fragmens des Maîtres chanteurs de Nuremberg ont déjà cette année illustré la première séance. J’entends parler du Rienzi; ce ne serait là qu’une demi-mesure. Lorsqu’on s’attache à la gloire d’un compositeur, ce n’est point ses œuvres de jeunesse qu’il faut aller ainsi compulser. Je me souviens d’avoir jadis, à Dresde, entendu ce Rienzi. Cela pourrait être tout aussi bien du Marschner, et vous chercheriez inutilement dans ce style composite ouvert à toutes les influences du dehors, dans ce cosmopolitisme musical, l’originalité voulue et le grand parti-pris qui depuis ont si vigoureusement appelé, forcé la discussion sur l’auteur. Lohengrin, voilà l’œuvre à faire connaître, l’œuvre d’attraction! Et l’initiative devrait ici plutôt appartenir à l’Académie impériale, qui d’ailleurs ne demanderait pas mieux que de la prendre. Une chose acquise pourtant, c’est que, de ce Lohengrin, aujourd’hui tout le monde en veut. A Bade, cet été, la seule annonce de l’ouvrage de Richard Wagner avait suffi pour amener des quatre coins de l’Europe la plus intelligente des cohues, et quel dommage qu’on ne puisse nommer tant de directeurs de théâtre qui, sous prétexte d’aller étudier le champ de bataille de Sadowa, se sont rendus incognito sous la tente du maître chanteur de Nuremberg! Action et réaction, ainsi va le monde. Il y a dans l’histoire de l’art, comme dans la vie des peuples, certaines heures où tels noms qui d’abord avaient paru invraisemblables et presque risibles s’imposent avec autorité. Les rodomontades littéraires de Richard Wagner, en aidant immensément à sa popularité, avaient commencé par faire beaucoup de tort à sa musique. Pour combien la mauvaise humeur du public, excitée par cette arrogante et systématique démonétisation de tout ce qu’on admire, n’est-elle pas entrée dans la chute du Tannhäuser à l’Opéra! Aujourd’hui le scandale de pareilles soirées ne serait plus pos-