ministre. L’un et l’autre avaient gardé le souvenir des déchaînemens de la force, des blessures faites à l’humanité et à la civilisation par vingt-cinq ans de guerre; ils sentaient la puissance moralisatrice de la paix. Ils avaient de grandes et sérieuses raisons pour cela, et ce n’est plus aujourd’hui qu’on pourrait parler encore de la vieille blessure des traités de 1815, après des événemens qui nous ont appris qu’il pouvait y avoir plus de danger à laisser abolir ces traités qu’à les laisser vivre.
Il n’est pas moins certain que cette politique ne tenait compte ni de quelques-uns des griefs les plus légitimes, ni de quelques-uns des instincts les plus vivaces de la France, et qu’en paraissant s’inspirer d’un intérêt immédiat de conservation elle a été une cause perpétuelle de faiblesse pour la monarchie de juillet. En voulant donner à la révolution de 1830 le caractère d’une puissance régulière, elle la désarmait trop, elle enchaînait trop son action, elle ne faisait pas une part suffisante à un grand mouvement d’opinion, aux nécessités d’un rôle nouveau dans une situation nouvelle, et ce n’est pas seulement par elle-même, c’est surtout par la manière dont elle était entendue et expliquée que cette politique semblait mettre la révolution de juillet en contradiction avec ses origines, avec l’inspiration nationale dont elle était la victorieuse expression. M. Guizot ne se bornait pas à défendre la paix; il voulait l’infliger comme une nécessité, comme une pénitence, comme une rançon de nos vieux péchés. Pour forcer la France à être sage, il se plaisait à lui montrer la coalition européenne toujours prête à se recomposer au premier signal, ce qui était vrai, mais ce qui était en même temps l’irritante révélation des hostilités contre lesquelles nous avions à nous débattre. Ce n’était pas assez pour lui de démontrer que la politique française ne pouvait se lancer dans une guerre de propagande et accepter la solidarité de tous les mouvemens révolutionnaires qui éclataient en Europe; il fallait prouver que nous n’avions rien à voir dans tout cela, répudier toutes ces alliances avec les faibles et les opprimés. Il ne se contentait pas de se soumettre aux traités de 1815 comme à un fait existant et de dire, avec M. Thiers, qu’il fallait « les respecter et les détester; » il voulait inculquer à la France cette idée qu’elle n’avait rien à regretter, rien à espérer, qu’elle se trouvait après tout dans la plus régulière et la plus honorable des situations. Les médecins, quand ils sont auprès d’un malade un peu difficile, ont le soin d’envelopper les remèdes désagréables dans une capsule qui en atténue l’amertume; M. Guizot faisait le contraire : il présentait à la France cette belle chose qui s’appelle la paix enduite de toute sorte d’amertumes à dévorer, de traités de 1815 à respecter, d’humilians souvenirs à refouler. — M. Guizot a semblé toujours