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LA
NOUVELLE GENESE

L’ESPRIT NOUVEAU DANS LES SCIENCES DE LA NATURE.[1]


I. — HISTOIRE DES ALPES. — PREMIÈRES IMPRESSIONS DES AGES GÉOLOGIQUES.

Quand j’arrivai en Suisse, il y a dix ans, dans le petit village que j’habite depuis ce temps-là, j’étais profondément séparé du monde. Au lieu de m’enterrer vivant dans une stérile lamentation que je savais sans écho, je cherchai quelque objet qui pût occuper mon esprit et remplir l’abîme qui s’était ouvert devant moi. Quel pouvait être cet objet? Je le cherchai et le trouvai au même moment. Il m’enveloppait de toutes parts; je n’eus qu’à regarder et à me laisser instruire. Je sentais en moi des forces encore vives, mais à quoi les appliquer? Mes instrumens avaient été brisés, fallait-il donc me réduire à l’inertie? L’homme se dérobait à moi, je me vis forcé d’embrasser la nature. Elle venait à moi, elle m’invitait à la comprendre[2]. Comment l’aborder? Je rapportais de mon séjour

  1. Les pages qu’on va lire serviront d’introduction à un nouvel ouvrage que M. Quinet doit publier assez prochainement, et qui forme une philosophie naturelle sous le titre de la Création.
  2. Il est presque impossible d’habiter la Suisse sans que l’histoire naturelle s’offre à vous de tous côtés. Parmi les ouvrages les plus importans et récens des naturalistes suisses que j’ai eus le plus souvent sous les yeux, je citerai d’abord, pour y revenir plus loin, les livres suivans : Traité de Paléontologie, par F. J. Pictet, — Géographie botanique raisonnée, par Alphonse de Candolle. — Recherches géologiques dans les parties de la Savoie, du Piémont et de la Suisse voisines du Mont-Blanc, par Alphonse Favre; — Die Urwelt der Schweiz, von Dr Oswald Heer.