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seul étalon véritable de la France, que l’or n’avait été admis qu’à l’état d’exception, par tolérance, et qu’on n’avait point le droit d’en faire un étalon monétaire au même titre que l’argent, que ce serait manquer au respect des contrats et de la propriété. Cette thèse a été soutenue notamment lorsqu’on proposait à l’état de démonétiser l’or pour n’avoir pas à en subir la dépréciation prochaine. En effet, si l’on ne s’inspire que de la disposition générale de la loi de germinal an XI, et surtout de certaines déclarations qui en ont précédé et accompagné la discussion, on peut se figurer que la monnaie d’argent est bien le seul étalon qu’on ait voulu adopter. Voici ce que dit la loi de germinal dans sa disposition générale. « Cinq grammes d’argent de 9/10e de fin constituent l’unité monétaire qui conserve le nom de franc. » On avait proposé de déclarer d’une façon plus explicite encore, dans un article spécial, que le franc d’argent serait la mesure invariable des métaux précieux. Cet article ne fut pas voté; mais M. Gaudin, le ministre des finances d’alors, qui avait présenté le projet de système monétaire, disait dans son exposé des motifs présenté aux consuls de la république, que ce projet avait pour but de fixer désormais le prix et la valeur de l’argent, qu’on ne serait plus exposé à en voir changer le titre ou le poids suivant l’abondance ou la rareté; que la dénomination répondrait toujours au poids, et que celui qui aurait prêté, par exemple, 200 francs ne pourrait jamais être remboursé avec moins de 1 kilogramme d’argent, qui vaudrait toujours 200 francs, ni plus, ni moins. Il ajoutait que l’or serait vis-à-vis de l’argent, dans la proportion de 15 1/2 à 1, et que, s’il survenait plus tard des événemens qui forçassent à changer cette proportion, l’or seul devrait être refondu.

L’opinion de M. Gaudin était favorable au double étalon, mais à la condition, comme il le dit, que lorsqu’il y aurait des changemens dans le rapport de valeur fixé par la loi, ce serait l’or qui serait refondu, modifié quant au poids ou quant au titre, et, qu’on me pardonne l’expression, réajusté avec l’argent. M. Bérenger, rapporteur au conseil d’état, était pour une autre solution : il n’admettait l’or que comme une monnaie dont le prix varierait suivant la valeur respective des métaux précieux sur le marché, et il s’exprimait ainsi au sujet du double étalon. « Si au lieu d’une matière monétaire on en a deux qui représentent concurremment la monnaie de compte, les chances de variations doublent, et il n’y a plus d’égalité entre la condition du créancier et celle du débiteur, car ce dernier, étant le maître de payer dans l’une ou l’autre monnaie, choisira nécessairement celle dont le cours est le plus bas. Dès lors on se déterminera plus difficilement à devenir créancier. Si la