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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/425

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d’hectolitres de blés étrangers importés dans nos ports ferait augmenter d’une manière quelque peu sensible le prix des 100 millions d’hectolitres que dans les années ordinaires notre agriculture peut jeter sur le marché. » Alors pourquoi le refuser avec tant de passion ? Admettons pour un moment que ce soit une transaction ; n’est-il pas sage de l’accorder, puisqu’elle peut faire passer le principe ? « Les partisans d’un droit fixe plus élevé, poursuit M. Monny de Mornay, envisagent ce droit non comme une protection pour l’agriculture, mais comme une compensation des charges qui pèsent sur elle, principalement par le fait de l’impôt. Ils considéreraient comme un acte de justice que les blés du dehors, qui viennent faire concurrence aux nôtres sur nos propres marchés, qui circulent sur nos routes, qui jouissent de la sécurité et des avantages de notre état social, supportassent une part du fardeau qui pèse sur nos blés indigènes. » Voilà bien en effet les raisons données ; elles s’appliquent non-seulement aux produits agricoles, mais à toutes les marchandises étrangères pouvant donner un revenu.

M. le directeur de l’agriculture ajoute en s’adressant au ministre : « Des argumens décisifs ont été fréquemment invoqués contre ce système, et les considérations développées dans le discours que votre excellence a prononcé au corps législatif le 9 mars 1866 en ont fait pleine justice. » Le mot est vif ; il tranche avec le ton habituellement honnête et modéré du rapport. Remarquons cependant que l’exécution n’a pas été si complète, puisque le discours du 9 mars 1866 a précédé l’enquête, et, malgré cette réfutation péremptoire, la doctrine condamnée de si haut a osé se produire avec quelque ensemble. Quels sont d’ailleurs ces argumens décisifs ? On répond toujours comme s’il s’agissait d’un droit protecteur. Il s’agit uniquement d’une question d’impôt. Faut-il abolir, oui ou non, l’impôt des douanes ? Si cette source de recettes était fermée, il faudrait augmenter d’autant les impôts perçus à l’intérieur, et cette nécessité fait reculer les plus hardis. Oui, en entrant et en circulant en France, les marchandises étrangères profitent de nos chemins, de la sécurité que donne notre organisation sociale ; elles doivent payer leur part des frais généraux, sinon la charge entière tombe sur les produits français, et ce sont alors les produits étrangers qu’on protège contre les nôtres[1]. Il est vraiment inconcevable que le gouvernement s’obstine à fermer les yeux sur une

  1. M. Monny de Mornay cherche ici à établir que le blé français ne paie à l’impôt que 48 centimes par hectolitre ou 60 centimes par quintal métrique. On a déjà démontré l’inexactitude de ce calcul ; mais là n’est pas pour le moment la question. L’essentiel est d’adopter le principe de l’égalité d’impôt entre les produits français et les produits étrangers, les chiffres viendront après.