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chemins vicinaux et par les mesures annoncées pour le développement de l’instruction agricole; ce n’est. là que la moindre partie de sa tâche. On a laissé dans l’ombre les vœux les plus importans. Trois surtout peuvent être mis en première ligne, l’abandon des emprunts publics et par conséquent l’introduction de nombreuses économies dans le budget, la réduction du contingent militaire, la réduction des travaux de Paris. Par là seulement on peut rendre aux campagnes les capitaux et les bras; puis viennent la réforme financière, qui doit commencer par la réduction des droits sur les ventes d’immeubles, et la réforme administrative, qui doit substituer autant que possible la liberté départementale et communale à l’action trop absorbante du pouvoir central. On a souvent dit que la France savait faire des révolutions et ne savait pas faire des réformes. Voici le moment de prouver le contraire. De l’enquête agricole peut dater un mouvement paisible et réformateur. La population rurale forme les deux tiers de la population nationale, et sous le régime du suffrage universel elle a les moyens d’imposer sa volonté; elle peut d’autant plus en user qu’elle ne demande rien qui ne soit conforme à l’intérêt général.

Une manifestation récente semble indiquer que l’agriculture sent sa force, et qu’elle veut s’en servir. A la suite de l’enquête, un journal agricole a proposé de former une Société générale des agriculteurs de France sur le modèle de la Société royale d’agriculture d’Angleterre. Cette idée, souvent émise, n’avait rencontré qu’un accueil froid et indifférent. Cette fois elle a eu un succès rapide qui a étonné les promoteurs eux-mêmes. De tous les points de la France sont arrivées les adhésions des hommes les plus connus comme propriétaires et cultivateurs. Dès que le nombre des souscripteurs a été porté à 500, une réunion générale a eu lieu à Paris pour se constituer. Un membre du conseil privé, M. Drouyn de Lhuys, a accepté la présidence. Une centaine de sénateurs et de députés se sont fait inscrire parmi les membres. Dans le courant du mois de décembre prochain, doit se tenir une nouvelle réunion générale pour commencer à agir. Une pareille assemblée n’est pas tout à fait sans exemple. Il y avait autrefois à Paris un congrès central d’agriculture qui se réunissait tous les ans et qui a été successivement présidé par M. le duc Decazes et par M. Dupin aîné. Le congrès central d’agriculture avait été supprimé après le coup d’état; il renaît aujourd’hui avec une nouvelle vie. Appuyé sur l’enquête, il peut parler haut; nous allons voir ce qui en sortira.


LÉONCE DE LAVERGNE.