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IMPRESSIONS DE VOYAGE
ET D’ART.
II.
SOUVENIRS DE FLANDRE ET DE HOLLANDE.


I. — TROIS RÉSURRECTIONS DU PASSÉ. — BRUXELLES, GAND, DELPT.

Un des plus grands plaisirs des voyages, c’est de voir le passé se dresser subitement devant vous, de vous sentir ramené à l’improviste de plusieurs siècles en arrière, comme si vous aviez été porté par un tapis voyageur plus magique que celui du prince Noureddin et qui aurait le privilège de dévorer le temps aussi bien que l’espace ; mais ce plaisir est plus rare qu’on ne le pense, et il est même d’occurrence ordinaire que c’est là où on l’attend le plus qu’on le rencontre le moins. Je me rappellerai longtemps la déconvenue que j’éprouvai lorsque, il y a déjà bien des années, je visitai Aix-la-Chapelle après avoir visité Cologne. À Cologne, quelle fête pour l’imagination ! À peine a-t-on quitté le chemin de fer, qu’on se sent doucement poussé hors du présent par des mains invisibles, qui vous font reculer, reculer, jusqu’à ce qu’elles vous aient arrêté avec une précision admirable juste au XVe siècle, avant l’aube même de la réforme. Le moyen âge vous sourit par toutes ces fenêtres, hautes comme des portes et étroites comme des lucarnes,