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tout autres. La série de mauvaises récoltes avait recommencé, les réserves s’épuisaient à vue d’œil, et les mercuriales des marchés se succédaient en pleine hausse. On toucha pendant quelques mois à 35, 36 et 38 francs l’hectolitre, presqu’un prix de famine pour les populations. Les cultivateurs ne disaient plus mot, la disette les servait mieux que l’abondance, les prix avaient doublé et au-delà, tandis que les récoltes avaient à peine diminué d’un tiers; plus de recettes avec des quantités moindres, partant moins de frais, c’était tout profit. Il était évident que l’objet principal de l’enquête allait être emporté dans cette volte-face inattendue.

Aussi dans les réponses recueillies les lois des céréales, l’échelle mobile, le droit fixe à l’importation, la mouture à l’entrepôt, sont-ils relégués au dernier plan. Plusieurs départemens les passent sous silence, beaucoup n’en font qu’une courte mention; mais à côté de cette intention manquée il s’en est déclaré une autre frappant plus juste, et qui, au cours de l’enquête, est allée s’affermissant. C’est l’intention d’examiner de près le régime, la transmission, les charges, la constitution de la propriété rurale en tenant compte de la loi et de la coutume, un hors-d’œuvre, si l’on veut, mais d’une tout autre portée qu’une question de tarifs. De toutes les façons, le gouvernement ne gagnait rien au change; au lieu d’un problème, on en soulevait vingt. C’était entre autres un cours de justice distributive appliquée aux petites gens et l’occasion d’un examen de conscience pour les agens instrumentaires qui vivent de la procédure fiscale; c’était aussi un rappel entre les villes et les campagnes à une plus stricte égalité de traitement. Tandis que dans les villes on recule chaque jour la limite du dégrèvement des cotes personnelles, dans les campagnes on poursuit à outrance le recouvrement des cotes foncières, si modiques qu’elles soient. Cette chaumière, ce lambeau de champ qu’il a reçus des siens ou acquis de ses deniers, le paysan ne les conservera qu’en luttant contre un travail de termites qui tend à l’en déposséder. Point d’incident qui ne l’obère : s’il hérite, ce sont des droits de succession et souvent une licitation écrasante; s’il achète, ce sont des droits de mutation, des purges, des quittances. Tout le monde en est Là, dira-t-on. Oui, mais pour des valeurs consistantes, une ferme, une maison, qui dans un changement de mains peuvent supporter quelques frais d’actes, tandis qu’ici il s’agit d’atomes qui s’évaporent à la première ventilation, quelques ares de terre, quelques pieds d’arbres, une masure, dont les moindres formalités de justice absorberont immanquablement le prix.

Et les ventes sur saisie, où créanciers et débiteurs sont presque toujours confondus dans une ruine commune ! Ce qui presque toujours les amène, c’est la passion de la terre dont le paysan ne peut