ont l’air de remontrances, exprimant des doutes, posant presque des conditions pour un arrangement durable avec les campagnes. Elle n’omet ni les réductions sur les tarifs des canaux et des chemins de fer, ni l’achèvement du code rural, ni le régime des syndicats, ni les conditions du cheptel, ni la réduction des fossés de clôture, ni les pentes des voies de terre, ni les profondeurs des voies d’eau, aucun détail enfin qui touche le ménage agricole dans ses besoins familiers, et soit de nature à attirer sur un gouvernement les bénédictions de ses administrés.
Que ce document ait satisfait ceux qui en ont été les promoteurs, c’est au moins douteux. Ils ont paré au plus pressé, et en politique on voit rarement plus loin ; mais ici le succès n’est pas gratuit. On n’a fait qu’échanger un mécontentement passager contre une récapitulation de griefs permanens. Les voilà fixés, ces griefs, et nantis d’une sorte de consécration; ils se reproduiront éternellement et un à un. N’en sera-t-il point tenu compte, et iront-ils finir dans les oubliettes où s’engloutissent tant de projets? Il est à croire que le gouvernement y mettra plus de formes, et cela pour plusieurs motifs. Il doit beaucoup aux campagnes et a besoin d’elles; il ne peut pas vouloir non plus qu’une enquête introduite avec cette solennité, conduite à ses frais, avec ses agens et sous son contrôle, demeure absolument sans fruit. Le moins qu’il puisse faire, c’est un essai ou deux en se prenant à quelque point de détail, par exemple le soulagement de la très petite propriété, de la propriété parcellaire. Rien ne serait plus propre à émouvoir l’opinion et à la rallier sans distinction de nuances dans un assentiment contagieux. Oui, mais comment aboutir? Il s’agirait d’un remaniement d’impôts avec l’inévitable accompagnement des voies et moyens où se sont brisées si souvent les intentions les plus généreuses. Or ici le remaniement, pour les premières années du moins, causerait un déficit dans les recettes du trésor. Un déficit quand des expéditions lointaines et des armemens à outrance ont réduit nos finances à compter strictement! Un déficit, comme si ce n’était point assez de celui qui se forme par suite des évaluations inexactes des derniers budgets! Pour les remaniemens d’impôts, il faut d’ailleurs quelque liberté d’esprit et une certaine disponibilité de ressources; nous n’en sommes plus là. Longtemps les meilleures volontés du monde échoueront devant des caisses vides. S’il s’agissait d’un nouveau moyen de détruire les hommes, on ferait un effort, ces besognes sont toujours pressées; mais il s’agit de leur rendre la vie plus aisée, ce qui peut s’ajourner sans inconvénient.
L’administration pourtant ne mettra pas l’enquête en disponibilité sans lui demander quelques services au moment des élections.