et populaires, furent organisées de part et d’autre en vue de perpétuer ces souvenirs. Voilà le rapport de la renaissance catalane et de la renaissance provençale ; voici maintenant la différence : la Catalogne a toujours prétendu rester elle-même, non-seulement au point de vue de la langue et des mœurs, mais au point de vue politique ; dans l’organisation future de l’Espagne, le gouvernement qui lui conviendrait le mieux ce serait une fédération, quelle qu’en fût d’ailleurs la forme, monarchique ou républicaine. La Catalogne est passionnément attachée à ses franchises particulières. Son histoire l’atteste dès les plus lointaines origines, et tout récemment encore n’est-ce pas la junte révolutionnaire de Barcelone qui s’est dissoute la dernière ? Le président de cette junte était précisément l’un des poètes catalans qui venaient de figurer avec éclat aux fêtes de Saint-Rémy, l’éloquent Victor Balaguer.
La renaissance catalane a donc un intérêt politique autant qu’un intérêt de poésie et d’art aux yeux des hommes d’action qui la dirigent. La renaissance provençale n’a jamais eu de pareilles visées, et pour toute sorte de raisons elle n’aura jamais ce caractère. C’est une œuvre morale avant tout. Entretenir la vie du foyer, empêcher que le niveau de la centralisation ne fasse disparaître les souvenirs des ancêtres, charmer et instruire des intelligences naïves dans l’idiome même qui berça leur enfance, voilà la seule pensée de ces chantres rustiques à qui la petite patrie ne saurait faire oublier la grande. Nous avons pu les critiquer, nous avons pu, quand ils s’adressaient aux lettrés plutôt qu’au peuple des campagnes, leur demander d’écrire dans la langue de nos grands poètes ; la déclamation seule et la routine verront dans cette tentative si digne d’intérêt un péril pour l’unité du pays. Cette unité est indestructible, et ici comme ailleurs elle est hors de cause. L’auteur de Mireille et de Calendal, en chantant les mœurs de sa province, ne manque jamais une occasion de célébrer les souvenirs communs à tous les enfans de la France. Il fallait l’entendre aux fêtes de Saint-Rémy faire retentir aux oreilles des Catalans les noms dont la Provence est fière et qui rappellent des serviteurs illustres de la grande culture nationale, de notre unité politique et de notre unité littéraire. On ne parle pas ainsi des Massillon, des Vauvenargues, des Mirabeau, des Thiers, des Guizot, des Mignet, quand on couve secrètement ce que nos voisins d’Allemagne appellent des pensées de particularisme.
C’est dans le même sentiment que M. Mistral vient de recueillir et de mettre en lumière une tradition de son pays, le Tambour d’Arcole. Ces vers doivent paraître bientôt dans un cycle de poèmes qui montreront sous un jour nouveau le talent de l’auteur de Mireille. Nous en donnons d’avance une traduction française. Quand le recueil dont cette page est détachée aura été livré au public, ce nous sera une occasion toute naturelle de revenir sur les fêtes de Saint-Rémy, de comparer les poesias ca-