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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/569

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n’y manqua point. « Je me suis rendu ce matin au palais, écrit-il à M. Bigot de Préameneu le 13 mai 1811, pour découvrir quels seraient les motifs secrets d’une résistance si mal calculée. J’ai longtemps causé avec le docteur Porta, et je lui ai bien fait comprendre la situation dans laquelle son maître se plaçait, ainsi que tous ceux qui sont attachés à sa cause. Il s’est bien imbu de ces principes, et paraît disposé à servir indirectement de tout son pouvoir…[1]. » Le lendemain, le préfet de Montenotte se rendait auprès du saint-père, dont il fut comme à l’ordinaire parfaitement accueilli. Entrant aussitôt en matière avec des formes de langage dont les évêques auraient éprouvé quelque embarras à se servir, il exprima son étonnement à Pie VII de la détermination qu’il avait prise au sujet des clauses qui avaient été soumises à son approbation. « Son refus le surprenait d’autant plus que d’une part le concile était prêt à prononcer contre lui et à lui ravir totalement un droit sur lequel il avait en ce moment la faculté de composer, que de l’autre il disait lui-même ne vouloir rien faire contre les quatre propositions. Des conditions auxquelles adhéraient les églises de France et d’Italie ne pouvaient pas d’ailleurs inquiéter sa conscience. Le pape a repris qu’il était convaincu des dispositions du concile, poursuit M. de Chabrol, mais qu’il avait devant lui l’exemple du concile de Milan, où trois cents évêques s’étaient prononcés, et où le saint-siège avait eu l’avantage pour avoir persévéré. Il faisait d’ailleurs une grande différence entre ne rien faire contre les quatre propositions condamnées par le pape Alexandre VIII au moment de sa mort ou s’y engager par un acte formel. Sur ce point sa conscience l’obligeait entièrement. Au surplus il avait demandé un conseil pour discuter ces affaires de doctrine,… » ce à quoi M. de Chabrol avait reparti avec plus de brusquerie que d’à-propos : « Le conseil vous sera rendu quand vous vous serez prononcé…[2]. D’ailleurs quel conseil, si autorisé qu’il fût, pouvait avoir plus d’autorité et de poids qu’une adhésion générale de toute l’église gallicane et de toute celle d’Italie ? » Réchauffant de plus en plus sur ce sujet, comprenant, comme il l’avait dit si souvent, qu’il était surtout opportun d’agir fortement sur la sensibilité du pape : « Je conviens, poursuivit le préfet de Montenotte, que je ne puis traiter des questions théologiques ; mais comme autorité politique, j’ai le droit d’intervenir et de dire que tout le monde saura que la paix de l’église a dépendu du pape, que les gens éclairés qui lui sont attachés l’engagent pour son propre intérêt et pour leur repos à terminer une affaire qui a

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 13 mai 1811.
  2. Ibid. , 14 mai 1811.