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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/570

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trop duré, et qui est aujourd’hui réduite à ses plus simples élémens, qu’on ne peut manquer de lui savoir mauvais gré, dans le moment où l’église de France obtient des sacrifices de sa majesté, sacrifices de pure générosité, puisque le concile national assure ses plans et ses intérêts, en apprenant que l’église et ses gémissemens n’ont rien pu obtenir de lui. J’ai ajouté que les choses n’en allaient pas moins être réglées, et que ses successeurs blâmeraient sa mémoire d’avoir inutilement compromis les attributions du saint-siège, et que je ne pouvais lui cacher comme magistrat civil que la postérité et l’histoire le condamneraient[1]. »

À cette étrange semonce, à cette téméraire prédiction, que l’événement n’a guère justifiée, Pie VII se contenta de répondre avec douceur que sans doute l’opinion des hommes était quelque chose, et qu’il était possible qu’il fût blâmé, mais que, « ses opinions tenant à sa conscience, il prenait son parti sur ce point, et oublierait facilement le jugement des hommes pour ne penser qu’à celui de Dieu. »

Battu sur ce terrain, M. de Chabrol se retourna d’un autre côté.


« Je cherchai alors, écrit-il à M. Bigot de Préameneu, à trouver le chemin du cœur du pape. Je lui dis que je l’avais vu longtemps dans le malheur, que je prenais intérêt à sa situation, et que je ne pouvais par conséquent m’empêcher de lui représenter qu’il se flatterait vainement de rencontrer d’autres occasions pour lui. Tout ce que l’empereur avait pu accorder aux sollicitations de son église, il l’avait accordé sans réserve, suivant l’usage de son grand cœur. Je le conjurais donc, moi, tous ses amis, tous les fidèles, de bien voir sa position et celle de son église, de ne pas oublier et ses privations personnelles et celles de tant d’individus compromis et qui souffraient à cause de lui. Il a été ému, mais je n’ai rien gagné sur cette obstination incroyable. Il m’a dit que pour lui-même il était prêt à tout, et qu’il tenait peu de compte de ce qui le regardait, que pour les autres Dieu y pourvoirait, mais qu’il n’achèterait jamais la paix dont je lui parlais, et ne chercherait à éviter les reproches dont je le menaçais par les sacrifices qui lui étaient proposés. Il m’a ensuite quitté, me paraissant touché, je le répète, mais résolu[2]. »


Cependant le préfet de Montenotte n’était pas homme à désespérer encore, car il n’avait pas fait jouer tous les ressorts sur lesquels il comptait le plus. Pendant que les choses avançaient si peu, M. de Chabrol avait appris par le docteur Porta que la santé du

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 14 mai 1811.
  2. Ibid.