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saint-père laissait beaucoup à désirer. Depuis quelques jours, il ne dormait presque plus, ses nuits étaient fort agitées, et son esprit se trouvait de plus en plus ébranlé par la fatigue des discussions qu’il lui fallait soutenir et par le sentiment de la gravité des résolutions qu’il allait avoir à prendre. Nous aimerions à pouvoir dire que ces attristantes nouvelles excitaient la compassion du préfet de Montenotte. Malheureusement ce n’est pas le sentiment qui apparaît dans sa correspondance. « MM. les évêques verront encore le pape ce soir ; peut-être ces fréquentes communications produiront-elles leur effet. D’un autre côté on fait en sorte de l’émouvoir, soit par les gens qui l’approchent, soit par tous les moyens qui sont en notre pouvoir[1]. »

On était alors au 15 mai 1811. Le lendemain, le préfet de Montenotte écrit à M. Bigot de Préameneu : « Nous avons fait notre possible pour cultiver la lueur d’espoir que nous avons vue se manifester hier, persuadés que, si un caractère comme celui du pape commence à se rendre, on peut espérer une issue favorable à la négociation. Le docteur Porta nous a bien servis ; il est sorti hier, et a profité d’une circonstance favorable ce matin pour dire au pape qu’il avait su que toute la population de Savone et toute celle de Gênes s’attendaient qu’il allait céder. Le pape l’a écouté avec plaisir, et lui a montré de plus favorables dispositions que précédemment[2]. » Aussitôt averti par son confident, M. de Chabrol s’empressa de se rendre chez le saint-père, et reproduisit avec plus de forcé les tentatives faites précédemment. « Le pape, écrit-il, a paru cette fois frappé de mes raisons, y est revenu à plusieurs fois, et a parlé du passé sans amertume. J’ai profité de ce moment pour attendrir son cœur par l’idée de toutes les personnes compromises pour lui qui attendaient de lui seul la cessation de leurs maux. Je lui ai trouvé à cet égard plus de sensibilité que de coutume[3]. » Rien n’était encore changé au fond dans les dispositions du saint-père ; cependant de terribles anxiétés tourmentaient son âme si facile à troubler, et M. de Chabrol n’avait garde de n’en point profiter.


« Ce matin je me suis rendu chez lui (le pape) après m’être concerté avec messieurs les évêques, dans l’intention de lui parler avec la plus grande énergie. Je l’ai d’abord trouvé sombre, effet que j’ai attribué au temps, qui est fort mauvais, et qui influe beaucoup sur ses dispositions ; mais j’ai bientôt eu dissipé ces nuages, et je lui ai dit que je voyais avec

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 15 mai 1811.
  2. Ibid., 16 mai 1811.
  3. Ibid.