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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/583

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doute ayant quelques échecs à venger, ils auraient volontiers fait cause commune avec les Serbes ; les Serbes refusèrent, pensant avec raison qu’une telle alliance leur serait onéreuse. Les dahis, moins scrupuleux, reçurent les kridschales aux avant-postes de leurs forteresses. Des secours plus sûrs leur arrivaient d’un autre côté ; un pacha de Bosnie, Ali-Beg, informé des événemens de Serbie, se vantait de n’avoir qu’à se montrer pour étouffer l’insurrection. « Les Serbes, disaient les Bosniaques, sont accoutumés à fuir du plus loin qu’ils nous aperçoivent. Quand un seul de nous rencontre une noce escortée de gens à cheval. les Serbes, fussent-ils cinquante, se hâtent de cacher leurs pistolets sous leurs manteaux et de mettre pied à terre. Aujourd’hui encore il suffira d’un soldat turc pour faire reculer cinquante rebelles. » Ali-Beg, méprisant de tels ennemis, n’avait même pas cru nécessaire de prendre le commandement ; il s’était établi dans le fort de Schabatz, laissant à ses lieutenans le soin de poursuivre les insurgés. Ces bravades ne durèrent pas longtemps. Au moment où les Bosniaques s’approchaient, les Serbes étaient en train d’élever des retranchemens à Svilenva ; ces travaux de défense étant encore trop faibles, ils se retirèrent. Les Turcs, persuadés que les Serbes se sont enfuis devant eux, s’installent aussitôt dans les retranchemens abandonnés. Les Serbes reviennent, attaquent la troupe ennemie, l’enveloppent, la pressent et l’obligent à capituler. « Nous ne sommes pas venus en ennemis, dit le chef des Turcs, nous sommes venus reconnaître la situation. » Invoquant ces sentimens de paix, il demande que ses soldats aient la vie sauve. Les Serbes y consentent en stipulant toutefois que les Bosniaques seuls se retireront en liberté, mais que, s’il y a parmi eux des Turcs de Belgrade, ceux-ci leur appartiendront. Les Turcs de Belgrade en effet s’étaient mêlés aux Turcs de Bosnie, et, comme ils essayèrent d’échapper avec les autres, la lutte recommença plus terrible ; c’est à peine si, dans cette petite armée si arrogante la veille, un homme sur dix put se soustraire aux coups des Serbes. « Les Serbes ! disaient-ils en repassant la frontière, ah ! ce ne sont plus les gens d’autrefois. Chacun d’eux porte un pieu aussi large qu’un bouclier, le plante dans la terre, et, à l’abri de ce rempart, fait feu sur l’ennemi sans discontinuer, comme si, puisant dans un sac plein de munitions, il nous jetait des poignées de plomb au visage. » La victoire de Svilenva fut le signal d’un héroïque élan. Les Serbes résolurent de marcher sur les forteresses. En même temps que Jacob Nenadovitch dans la Koloubara, Milenko dans la Morava, attaquaient Schabatz et Poscharevatz, Kara-George, conduisant les hommes de la Schoumadia, mettait le siège devant Belgrade.

La forteresse de Schabatz se rendit la première, grâce au