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de la Schoumadia. Kara-George avait d’abord partagé le commandement de sa province, avec ses deux vaillans compagnons d’armes, Kalitch et Tschaparatitch ; quand ils tombèrent sur le champ de bataille, personne dans la Schaumadia ne put lui disputerr la prééminence. Ce fut un bonheur pour la Serbie. Sans cette circonstance ; on eût vu le pouvoir divisé entre des chefs à peu près de même force, indépendans les uns des autres, et des rivalités inévitables auraient compromis la cause commune. L’autorité de Kara-George formait une base déjà sûre où s’appuyait l’indépendance nationale. Il n’avait pas seulement ses momkes comme les voïvodes, ses bandes comme les hospodars, il avait une armée. Tous les ans au printemps, hospodars et voïvodes se réunissaient en assemblée générale. C’était la skouptchina, du mot serbe skupiti, rassembler. Là, on délibérait sur les entreprises de guerre qui auraient lieu pendant la belle saison, on avisait aux moyens, on votait l’impôt, on rendait ses comptes, et, si quelqu’un avait à se plaindre d’une injustice, il dénonçait le coupable. Dans ces grandes assises de la nation armée, — car chacun y assistait avec son cortège, — on pense bien que le hospodar de la Schoumadia, celui que les knèzes dès le premier jour avaient salué « commandant des Serbes, » devait exercer une action prépondérante.

C’était un point de départ, ce n’était pas encore un gouvernement. La skouptchina ne se réunissait qu’un petit nombre de jours chaque année. Les hospodars, jaloux de l’autorité croissante de Kara-George, maintenaient, par tous les moyens leurs prétentions particulières, et, sussent-ils même désapprouvés par l’assemblée, qui donc pouvait les réduire à l’obéissance une fois qu’ils étaient retournés dans leurs districts ? Où était la sanction des votes ? où était la souveraineté de la loi ? Kara-George était plus puissant, il n’avait pas encore plus de droits que les autres. On lui résistait dans la skouptshina, on lui eût résisté sur un champ de bataille. Fallait-il s’exposer à une lutte fratricide quand la Serbie, toujours menacée, avait besoin de toutes ses forces ? Nous résumons ici les impressions ressenties par les esprits clairvoyans dès les premières années de la guerre de l’indépendance ; on peut affirmer qu’en 1805, au moment où la révolte contre les dahis devenait une guerre contre le sultan, deux partis se dessinaient déjà au sein du peuple serbe, le parti des hospodars, le parti de Kara-George, et que des deux côtés on désirait. un gouvernement régulier, les hospodars pour limiter cette dictature que la force des choses donnait à Kara-George, Kara-George pour soumettre l’indocilité des hospodars.

Le premier législateur de l’état naissant fut un Serbe de Hongrie nommé Philippovitch. Il était docteur en droit, et demeurait à