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Charkow, en Russie. Quand les députés serbes allèrent à Saint-Pétersbourg invoquer la médiation du tsar, ils trouvèrent sur leur route ce demi-compatriote, qui prit feu pour leur cause. Philippovitch se joignit à l’ambassade : revenu avec les députés, il fut frappé tout d’abord de l’anarchie qui menaçait de tout perdre. « Je ne vois chez vous, disait-il, que des pouvoirs militaires, même dans la skouptchina ; il vous faut un pouvoir civil supérieur à tous les conflits. » Il conçut l’idée d’un sénat (soviet) chargé de régler les affaires communes, et dont les décisions feraient loi. Rien de plus simple, de plus patriarcal, rien de plus conforme à l’esprit serbe que le sénat proposé par Philippovitch. La Serbie formait alors douze districts ; le sénat était composé de douze membres, chaque sénateur représentant son district. Le projet fut réalisé aussitôt. Le soviet se réunit en divers lieux, suivant les circonstances de la guerre, à Blagovjeschtenije, à Bogovadja, à Smederevo, enfin à Belgrade en 1808. Chaque sénateur (sovietnik) recevait un traitement modique sur le trésor national, traitement qui pouvait étre complété par des prestations en nature. C’était du vin, du blé, selon ce que produisait chaque district. Tous les ans aux fêtes de Noël, le sovietnik recevait régulièrement une paire de bœufs destinés à l’abattoir. En retour, sa maison était ouverte aux gens de son district qui venaient à la ville pour leurs affaires. Le conseiller désintérêts généraux était aussi dans mainte affaire privée le patron de ses commettans. Philippovitch, premier organisateur du sénat, en fut le premier secrétaire, et au témoignage de tous il a laissé le souvenir d’un magistrat sans reproche.

Quels furent les principaux actes de ce sénat patriarcal ? Il régla la vente des immeubles possédés naguère par les Turcs, il établit la dîme destinée à l’entretien des troupes, fixa et répartit des impôts, réprima l’avidité des voïvodes, institua les taxes des cérémonies religieuses, combina enfin tout un système financier qui remédia autant que possible aux désordres des premiers temps, surtout il organisa les écoles et l’administration de la justice. Les écoles étaient jusque-là entre les mains du clergé ; quand on se rappelle tout ce que le clergé serbe a fait pour entretenir la tradition des années heureuses et l’invincible espoir de la délivrance, on hésite à signaler son ignorance, ses routines, ses superstitions ; il faut bien dire pourtant que les écoles du clergé serbe, celles îles cloîtrés comme celles des popes, notaient guère en mesure de-cultiver les richesses naturelles de ce peuple si intelligent et si vif. Le sénat établit des écoles dans toutes les communes, petites écoles, comme on disait, chargées de répandre l’instruction élémentaire et d’éveiller le goût du savoir ; Belgrade eut sa grande école (velika