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qu’inspirait son retour. Ma bonne mère elle-même, si émue qu’elle dût être, ne pouvait s’empêcher d’en rire, et, le souvenir de cette soirée se perpétuant parmi nous, nous ne voyons jamais depuis lors mon père rentrer chez lui dans des dispositions particulièrement enjouées sans nous dire : — Voilà papa qui revient avec la jaquette du petit Hans.

Friedrich fut ensuite mandé à comparaître devant l’amtshauptmann qui lui fit subir un interrogatoire dans toutes les règles, et voulut, mais en vain, lui démontrer l’irrégularité flagrante de ses procédés. Ni le fait d’avoir repris indûment les huit groschen à lui enlevés, ni celui d’avoir soustrait une saucisse au maître d’école qui essayait de le tromper, n’avaient laissé le moindre remords dans l’âme de ce pécheur endurci. L’amtshauptmann finit par se décourager et le renvoya. — Je me souviendrai de vous, soyez tranquille, — lui dit-il au départ, ce que Friedrich prit pour une menace, ignorant que le digne magistrat, peu soucieux de conserver ou des rancunes ou des souvenirs pénibles, tenait au contraire à ne rien oublier de ce qui lui semblait recommandable. Quand Friedrich fut parti, se retournant vers le bailli de Gulzow, qui s’était plaint des prétentions du garçon meunier : — Je ne vois pas, lui dit-il, que vous eussiez là un gendre si méprisable.

— Il n’a pas le sou, objecta timidement le père de Hanchen..

— Les circonstances peuvent changer, reprit l’amtshauptmann. Il va se trouver d’ici à peu bien des fermes vacantes. Qui sait ce que le cabinet grand-ducal pensera des services rendus par ce garçon ?

— Mais il a volé...

— Ne prononcez pas ce mot ; il n’est pas de mise en cette circonstance.

— Quant aux huit groschen, je les paie, s’écria mon père.

— Et quant à l’histoire du maître d’école, c’est un bon tour sans aucune conséquence, reprit l’amtshauptmann,

— Ma Hanchen est beaucoup trop jeune...

— Besserdich, vous parlez comme un enfant, tout bailli que vous êtes, interrompit brusquement la Westphalen. Votre fille est une petite étourdie à qui un mari expérimenté ne peut être que fort utile. Celui-ci est en actions ce qu’elle est en paroles. Le couple serait sous ce rapport des mieux assortis.

Le pauvre bailli se taisait, à bout de raisons. — Encore faut-il que je consulte ma femme, reprit-il comme dernier argument.

— Voilà qui est juste, repartit l’amtshauptmann, et Hanchen, elle aussi, veut être consultée.

L’affaire fut ainsi remise à la Saint-Personne, comme nous di-