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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/739

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négative, s’il fallait s’en rapporter à ses préfaces, et en particulier à celle du Fils naturel. Depuis qu’il a déclaré que la société s’écroule de tous côtés et qu’il veut contribuer à la restaurer, ce qui est le moins qu’il puisse faire après les coups de pioche qu’il a donnés pour sa part, il voudra sans doute épargner les femmes vertueuses ou que le monde estime encore telles. Depuis qu’il invoque l’établissement d’un théâtre utile qui montrera, dit-il, aux hommes comment ils doivent être et non comment ils sont, il laissera en paix les Dianes de Lys, qui sont autrement qu’elles ne doivent être. Ces intentions sont excellentes et on ne demanderait qu’à être rassuré, s’il ne se plaisait pas lui-même à détruire notre confiance. A moins que le romancier dans M. Dumas fils ne soit pas solidaire de l’auteur dramatique, et qu’il ne se réserve de faire le matin dans le roman à la pauvre morale des blessures qu’il se propose de guérir le soir au théâtre, sommes-nous bien certains de ne pas revoir sur la scène une nouvelle Diane de Lys qu’il a découverte il y a quelques semaines, une espèce plus curieuse que jamais, une femme d’une fidélité inaltérable qui obéit passivement à la loi de sa nature perverse un jour, un seul jour dans sa vie, et sur un seul mot, parce qu’elle a rencontré l’homme fort à qui nul n’en remontrera dans cette branche de l’histoire naturelle ?

Après les dames aux camélias et leur cortège, après les femmes vicieuses du Demi-Monde, après ce monstre favori de Balzac, la femme honnête corrompue, il restait encore des vides dans l’éternel chapitre et comme des lacunes dans cette ménagerie d’un nouveau genre. M. Dumas fils les a remplies grâce à ses autres pièces. Sans Mlle Albertine, l’héroïne de l’épargne honteuse, pensez-vous que le Père prodigue pourrait tenir sur ses bases ? Elle est l’idée même de l’ouvrage, c’est-à-dire le vice entre les pères et les fils, la jeunesse rencontrant les têtes blanchies chez les courtisanes. Il n’y a pas d’espèce nouvelle dans les Idées de Mme Aubray, cependant, sans le coureur de coulisses, sans le chasseur qui flaire le gibier, sans Valmoreau et sa théorie de la ligne, — encore un fait physio logique accueilli par les bravos, — pensez-vous que la comédie se serait soutenue ? Ce n’est pas que la vertu soit absente de ces pièces : elles en parlent très souvent, quelquefois trop. Les personnages y sont amis de la vertu à la condition de commencer par un peu de vice : ainsi l’on voit souvent de grands amis de la paix qui promettent’ la prospérité universelle à la condition qu’on commencera par quelques mois de guerre. Autrefois on représentait les luttes de la vertu, et le dénoûment se composait de sa chute ou de son triomphe. M. Dumas lui prépare.une destinée plus commode ; elle succombe tout d’abord, assurée qu’elle est du triomphe