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mais, tant que cela dépendrait de lui, il ne demandait pas mieux que d’en rester là sans tenter de plus grandes aventures, sans franchir le Mein, et il se félicitait même de trouver dans les dispositions résistantes de la Bavière et du Wurtemberg une raison plausible d’éluder les impatiences unitaires du grand-duché de Bade. Il assurait que c’était là sa politique. Au fond, tout en se tenant prêt à la guerre, parce qu’il a pu se croire menacé, le roi Guillaume n’a cessé de savoir gré au gouvernement français de ce qu’il a fait ou plutôt de ce qu’il n’a pas fait en 1866, et il n’a aucune animosité, surtout aucun désir de provoquer un conflit avec la France. La paix dans les limites du traité Prague, il n’allait pas au-delà.

Ces dispositions mutuelles une fois connues et précisées, il restait à en tirer les conséquences et à trouver le moyen de leur donner une forme assez frappante pour réveiller sérieusement la confiance publique. Des discours, encore des discours, c’était un moyen fort usé, on n’y croit plus. Un désarmement eût été sans doute la combinaison la plus naturelle et la plus décisive ; malheureusement le roi Guillaume n’était pas plus disposé que l’empereur Napoléon à entrer dans cette voie, et tout ce qu’on a pu dire à ce sujet ne reposait sur rien. Ce moyen, sans contredit le plus efficace, a été d’avance et au premier mot écarté de la discussion. Une autre idée aurait surgi, à ce qu’il semble, dans ces pourparlers. L’empereur aurait proposé un traité général qui sanctionnerait tous les changemens accomplis en Europe depuis 1815, et qui remplacerait l’acte final de Vienne, qui deviendrait ainsi le droit nouveau placé sous la garantie de toutes les puissances ; mais cette combinaison serait probablement peu du goût de la Prusse, dont elle lierait plus étroitement les mains pour l’avenir, et la Prusse n’aurait pas de peine à trouver l’appui de plus d’un autre cabinet. C’est alors, assure-t-on, que l’empereur aurait dit à un de ces personnages de bonne volonté dont nous parlions, à lord Clarendon lui-même, de chercher, de combiner un moyen d’affirmer la paix, de donner à l’Europe un gage éclatant des intentions conciliantes des grandes puissances ; à quoi lord Clarendon aurait répondu qu’il réfléchirait, et qu’il devait avant tout en parler à lord Stanley. C’est de là qu’est parti sans doute M. Disraeli pour annoncer au banquet de Mansion-House une médiation anglaise qui n’a même pas été proposée. Si d’un autre côté lord Stanley s’est montré plus réservé sous certains rapports, s’il a été moins explicite que M. Disraeli, il faut avouer qu’il a parlé de l’unification inévitable de l’Allemagne, de la résignation nécessaire de la France, de façon à rendre sa médiation assez difficile, et on peut se demander en fin de compte si les deux ministres de la reine n’ont pas parlé de l’intervention pacificatrice de l’Angleterre tout simplement pour échauffer le zèle des électeurs en faveur du cabinet tory. Ce qui apparaît en tout cela, c’est qu’il y a eu depuis quelques mois un travail multiple de pacification qui, sans être arrivé encore à un résultat