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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/765

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encore à gouverner en face d’adversaires comme M. Disraeli, qui n’est pas homme à déserter le combat, à laisser échapper l’occasion de rendre guerre pour guerre à son grand antagoniste. C’est pour le premier ministre de demain le moment de prouver qu’il est vraiment l’homme d’état du libéralisme anglais, et l’expérience qui va se faire peut assurément n’être pas sans influence sur les destinées du libéralisme européen.

La vie parlementaire renaît en Italie sans agitation et sans trouble. Jusqu’à la veille de l’ouverture de la session nouvelle cependant, il y avait dans l’air des bruits de guerre contre le ministère. Les partis se remuaient et se comptaient comme à l’approche d’une lutte sérieuse. L’élection du président de la chambre était l’occasion naturelle qui allait tout d’abord mettre aux prises la majorité et l’opposition, et cette élection semblait devoir être assez vivement disputée. De la part du gouvernement, le choix ne laissait pas d’offrir quelque difficulté ; le président de la dernière session, M. Lanza, ne pouvait plus être le candidat ministériel pour la session nouvelle, il s’était séparé avec éclat du gouvernement dans la discussion relative à une des plus graves questions financières, celle des tabacs, et depuis ce moment M. Lanza est rentré dans ce groupe piémontais qui forme une opposition à part au sein du parlement italien. La majorité, en cela d’accord avec le gouvernement, a dès lors adopté comme candidat un homme estimé, M. Mari, qui a été déjà président de la chambre, et qui a même un instant fait partie du ministère actuel à sa naissance. Le choix n’était pas moins délicat pour l’opposition. A part M. Lanza, dont on aurait pu prendre le nom avec avantage, si l’ancien président s’y était prêté, pour faire la guerre au cabinet, M. Rattazzi semblait un candidat assez naturel ; mais M. Rattazzi est un habile homme qui flaire les échecs, et qui ne se soucie pas de s’y exposer ; il a compris tout de suite que, séparé de la majorité par sa politique de l’an dernier, il ne pouvait espérer rallier des voix dans cette fraction de la chambre, pas même dans ce qu’on appelle le tiers-parti, dans ce groupe de MM. Mordini, Correnti, et que d’un autre côté la gauche seule ne lui suffisait pas. M. Rattazzi, en tacticien prudent, a préféré ne pas se faire battre dès l’ouverture de la campagne, et il a laissé M. Crispi se mettre en avant, courir les chances de la lutte, en se réservant, quant à lui, de rester le chef de l’opposition, prêt à saisir des circonstances plus favorables. Le calcul était juste ; M. Rattazzi eût été certainement vaincu, car M. Mari l’a emporté sur M. Crispi à une majorité considérable, et le ministère est entré dans, la session nouvelle par. un premier succès qui le met du moins en bonne position pour attendre les assauts qu’on lui prépare.

C’est une destinée singulière, en vérité, que celle de ce ministère Ménabréa. Né dans un moment terrible, sous le coup du combat de Mentana, de cette affreuse déception préparée par la triste politique de M. Rattazzi, il semblait avoir à peine devant lui quelques, jours