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ponses de la commission, qui mettait au nombre des faveurs accordées par l’empereur à la religion « la décoration de la Légion d’honneur donnée à un grand nombre de prélats, les titres de comte et de baron affectés aux archevêques et évêques de l’empire, l’admission de plusieurs d’entre eux dans le corps législatif et dans le sénat[1]. »

Le pieux chagrin inspiré à M. Émery par l’attitude de ses collègues de la commission de 1810 n’était rien encore en comparaison du désespoir que ce même comité, légèrement modifié comme composition, devait lui causer lorsqu’il fut de nouveau réuni aux premiers jours de l’année 1811. Les événemens avaient marché pendant ce court espace de temps, et la querelle s’était prodigieusement envenimée entre Pie VII et Napoléon. Le choix des nouveaux membres adjoints à la commission de 1810 indiquait suffisamment ce que désormais l’empereur attendait d’elle. Le père Fontana, retenu prisonnier à Vincennes pour la part qu’il était soupçonné d’avoir prise à l’expédition de la bulle adressée au cardinal Maury, avait été remplacé par le cardinal Caselli, ce membre du sacré-collège à l’égard duquel le pape avait témoigné tant de défiance lorsqu’il avait été envoyé en mission à Savone, et M. de Pradt, archevêque nommé de Malines, avait succédé à l’évêque de Verceil, mort pendant le cours de l’année. Quels motifs avaient décidé l’empereur à désigner ce dernier personnage, si plein d’esprit, mais si complètement décrié, dont il venait de faire coup sur coup son chambellan et son premier aumônier? Ce n’était pas l’estime qu’il lui inspirait, car il l’avait toujours jugé plus sévèrement que personne, et jusqu’en ces derniers temps, croyons-nous, avec une malveillance passablement exagérée. « Je ne sais, écrivait-il de Schœnbrunn le 5 septembre 1809 à Fouché, si je vous ai dit de vous méfier de cet homme (l’abbé de Pradt) comme du plus grand ennemi qu’on puisse avoir. Cependant, comme je ne suis pas certain de vous l’avoir dit, je vous l’écris pour votre gouverne. Cet homme est un profond hypocrite, n’ayant ni les mœurs ni l’esprit de son état, et livré à un genre d’intrigues qui d’un jour à l’autre le conduira à l’échafaud[2]... » Depuis cette époque, M. de Pradt, qui avait à revenir de si loin dans l’esprit de Napoléon, s’était jeté à corps perdu dans la querelle soulevée à propos de l’institution canonique. Naturellement il avait embrassé avec son audace accoutumée d’allures et de langage la cause de l’empereur, et dès lors ses défauts n’avaient plus compté. C’était même sur lui que désormais Napoléon allait se

  1. Cette partie de la réponse des évêques n’est pas insérée dans les Fragmens historiques de M. de Barral.
  2. Lettre de l’empereur au comte Fouché, Schœnbrunn, 5 septembre 1809. — Correspondance de l’empereur Napoléon Ier, t. XIX, p. 428.