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reposer principalement du soin d’agir sur le clergé et de seconder en secret ses plus fâcheux desseins. En vain l’abbé Émery, effrayé d’une pareille association, écrivit au ministre des cultes pour se défendre de faire partie du second comité ecclésiastique[1]. Sa lettre demeura sans réponse, et de nouveau il lui fallut se résigner à assister de sa personne à des délibérations dont il n’approuvait ni l’esprit ni le but.

Les instructions remises par le ministre des cultes à la seconde commission ecclésiastique ne laissaient planer aucun doute sur les intentions de Napoléon. L’empereur prenait bien soin de prévenir encore une fois ses conseillers ecclésiastiques que c’était uniquement comme attachés à sa personne et aux intérêts de ses peuples, dont ils étaient les premiers pasteurs, qu’il les avait réunis dans sa capitale, afin qu’ils lui indiquassent la marche la plus conforme aux conciles et aux usages de l’église[2]. Suivait un résumé assez long et comme d’habitude fort partial des relations de Napoléon avec Pie VII.


«... Le pape ayant violé le concordat synallagmatique, disait-on à la fin du rapport, l’empereur a bien voulu imiter Louis XIV dans sa longanimité, mais le pape, s’y étant opposé, ce que n’a pas fait Innocent XII, a rendu vain et inutile ce moyen. Dès lors il n’est plus suffisant pour assurer la paix de l’église. C’est ce qui a déterminé l’empereur à déclarer qu’il ne souffrirait plus que dans l’empire l’institution des évêques fût donnée par le pape... Ainsi donc deux déterminations ont été prises par sa majesté : 1° aucune communication n’aura lieu entre ses sujets et le pape que celui-ci n’ait posé les limites de son autorité en reconnaissant celles qui ont été posées par Jésus-Christ lui-même, c’est-à-dire qu’aux termes du sénatus-consulte il n’ait juré de ne rien faire en France contre les quatre propositions de l’église gallicane arrêtées dans l’assemblée du clergé de 1682; 2° de ne plus faire dépendre l’existence de l’épiscopat en France de l’institution canonique du pape, qui serait ainsi le maître de l’épiscopat. Quant aux mesures à prendre pour que l’église ne souffre pas de cette interruption de communication, et pour que les évêques ayant le caractère requis puissent exercer leur juridiction épiscopale, l’empereur s’en rapporte au comité pour lui faire connaître ce qui convient le mieux, soit qu’on revienne à la pragmatique de saint Louis tant regrettée, soit à tout autre usage.

  1. Lettre de M. l’abbé Émery à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 3 février 1811. — Papiers manuscrits conservés au séminaire de Saint-Sulpice pour écrire la vie de M. Émery.
  2. Instructions remises par M. Bigot de Préameneu au conseil ecclésiastique de 1811, 8 février 1811. — Ces instructions ne sont pas relatées dans les Fragmens historiques de M. de Barral.