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catéchisme parurent surprendre l’empereur, et comme il affectait d’attendre que M. Émery continuât de parler, celui-ci reprit : « On nous oblige en France à soutenir les quatre articles de la déclaration de 1682 ; mais il faut en recevoir la doctrine tout entière. Dans le préambule de cette déclaration, on lit que la primauté de saint Pierre et des pontifes romains est instituée par Jésus-Christ, et que tous les chrétiens lui doivent obéissance. De plus on ajoute que les quatre articles ont été décrétés pour empêcher que, sous prétexte des libertés de l’église gallicane, on ne pût porter atteinte à cette primauté. » M. Émery entra ensuite dans quelques développemens pour montrer que les quatre articles, quoiqu’ils limitassent la puissance du pape sur quelques points, lui conservaient une autorité si grande et si éminente qu’on ne pouvait régler sans sa participation aucune affaire importante en matière de dogme ou de discipline : d’où il conclut que, « si l’on assemblait un concile, comme on parlait de le faire, ce concile n’aurait aucune valeur, s’il se tenait sans l’aveu du pape. » La citation du catéchisme impérial avait quelque peu surpris l’empereur, car ce n’était probablement point sa lecture habituelle. Les citations de la déclaration de 1682 au contraire ne l’étonnèrent pas beaucoup, car il en avait fait une étude particulière. Plus d’une fois il avait même dit à son premier aumônier et à son confident, M. de Pradt, qu’il n’y avait rien du tout dans ces quatre propositions dont on faisait tant de bruit. Il n’avait pas été beaucoup plus satisfait, à son point de vue, du discours prononcé par Bossuet à l’ouverture de l’assemblée de 1682 et de la façon dont le grand évêque avait tenu d’un bout à l’autre la balance si parfaitement égale entre le pouvoir des souverains et celui des papes. Au grand ébahissement des assistans. Napoléon ne témoigna aucune colère. On eût presque dit, nous raconte l’un d’eux, qu’il prenait un certain plaisir « à provoquer, à agacer même M. Émery[1]. » « Eh bien ! reprit l’empereur, je ne conteste pas la puissance spirituelle du pape, puisqu’il l’a reçue de Jésus-Christ; mais Jésus-Christ ne lui a pas donné la puissance temporelle. C’est Charlemagne qui la lui a donnée, et moi, comme successeur de Charlemagne, je veux la lui ôter, parce qu’il ne sait pas en user et qu’elle l’empêche d’exercer ses fonctions spirituelles. Monsieur Émery, qu’avez-vous à dire à cela? — Sire, répondit M. Émery, je ne puis encore avoir là-dessus d’autre-sentiment que celui de Bossuet, dont votre majesté respecte avec raison la grande autorité, et qu’elle se plaît à citer souvent. Or ce grand prélat, dans sa Défense de la déclamation du clergé, soutient expressément que l’indépendance et la pleine liberté du souverain pontife sont nécessaires pour le libre exercice de son auto-

  1. M. de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 453.