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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/853

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des idées philosophiques générales. Par là, il faut le reconnaître, il se rapprocha de de Maillet et de Robinet. Toutefois il ne toucha pas aux problèmes cosmogoniques, et son système, en ce qui nous intéresse, n’a aucun rapport avec celui du second pas plus qu’avec les hypothèses du premier. Son point de départ est tout autre ; les faits qu’il invoque dès le début sont d’un ordre absolument différent. De Maillet s’appuyait sur des études géologiques et paléontologiques ; c’est aux êtres vivans seuls que s’adresse Lamarck[1].

Après quelques généralités sur ce qu’on appellerait aujourd’hui la méthode naturelle, Lamarck se demande ce que sont les espèces, ces groupes élémentaires des deux règnes organiques. Il rappelle les incertitudes de la science et la difficulté qu’éprouvent souvent les naturalistes à caractériser les espèces voisines ; il insiste sur le grand nombre des « espèces douteuses, » c’est-à-dire de celles que l’on ne peut distinguer nettement des races ou des variétés. Il revient à diverses reprises sur la gradation que présente l’ensemble des espèces et des types. De ces faits empruntés d’abord aux animaux et aux végétaux sauvages, il conclut que l’espèce en général ne possède pas la constance absolue qu’on lui attribue d’ordinaire. Dans un chapitre spécial, il revient sur cette conclusion, et, invoque les exemples de variation si nombreux, si frappans, que présentent les espèces domestiques. Il cite en particulier nos poules et nos pigeons. Il montre les conséquences pratiques de ces faits au point de vue de l’étude et des classifications, puis il cherche à les expliquer. Lamarck distingue Dieu de la nature, et celle-ci de l’univers. Ce dernier est l’ensemble inactif et sans puissance propre de tous les êtres physiques et passifs, « c’est-à-dire de toutes les matières et de tous les corps qui existent. » La nature au contraire est une puissance active, inaltérable dans son essence, constamment agissant sur toutes les parties de l’univers, mais dépourvue d’intelligence et assujettie à des lois. En d’autres termes, Lamarck admet l’existence d’une matière inerte et de forces, véritables causes de tous les phénomènes. Parmi, ces forces, il en est de subordonnées et qui naissent des puissances supérieures. Lamarck place la vie parmi ces forces dépendantes ; « instituées par la puissance générale. » Pour lui, elle naît et s’éteint avec les corps qui ont été son domaine. Pour Lamarck, la vie n’est qu’un effet particulier plus ou moins passager, plus ou moins durable, des actions exercées par ce que nous appelons, aujourd’hui, les forces physico-chimiques. Celles-ci seules ont peuplé le globe primitivement désert en déterminant les générations spontanées.

  1. Lamarck a développé ses idées dans plusieurs de ses ouvrages. Les citations rapportées ici sont toutes empruntées soit à la Philosophie zoologique (1809), soit à l’Introduction de l’Histoire naturelle des animaux sans vertèbres (1815).