n’est pas là, dit-il, qu’est la difficulté ; l’évidence de ces raisonnemens satisfait notre raison. »
Ainsi Geoffroy Saint-Hilaire a restreint bien plus que Lamarck le champ de ses spéculations ; il s’est éloigné de lui sur plusieurs points fondamentaux, il a introduit dans cet ordre de recherches des considérations nouvelles empruntées aux progrès les plus récens de la science et à ses propres recherches. Considérées à distance et en bloc, ses idées n’ont rien qui répugne à l’esprit, et on comprend qu’elles aient séduit bien des intelligences comme elles l’avaient entraîné lui-même. Dès qu’il tente d’entrer dans les détails, il est néanmoins forcé de s’en tenir aux assertions les plus vagues ; dès qu’il veut citer un exemple, il n’est certainement pas plus heureux que son illustre prédécesseur. Pourtant, pas plus que lui, il ne saurait sans injustice et sans erreur être rattaché à de Maillet, à Robinet. Toute sa vie, Geoffroy fut le promoteur ardent des doctrines épigénistes, qu’il eut le mérite de défendre contre Cuvier. Il ne peut donc être placé que fort loin de quiconque se fonde sur la préexistence des germes.
Les théories de Lamarck, surtout celles d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire ont compté en France un certain nombre de disciples, parmi lesquels on place d’ordinaire son fils, Isidore Geoffroy. Je ne crois pas ce jugement bien fondé, quoique Darwin l’ait reproduit tout récemment encore. On sait comment Isidore Geoffroy a dans tous ses écrits adopté et défendu les opinions de son illustre père ; souvent il les a développées et en a fait ressortir les conséquences. Pour tout ce qui touche à l’origine des espèces, il s’est au contraire borné à résumer ce qu’Étienne Geoffroy avait exposé d’une manière parfois un peu confuse. Bien plus, par le choix des citations, par les réflexions qu’il ajoute, il semble avoir voulu en restreindre plutôt qu’en étendre le sens. Quiconque aura lu attentivement l’ouvrage où il comptait résumer ses doctrines, et qu’il n’a pu achever[1], se rendra aisément compte de ce fait. Isidore Geoffroy est de tout point l’élève de Buffon ; il croit à la réalité de l’espèce, à la distinction de l’espèce et de la race. Rien dans son livre n’autorise à penser qu’il admît des transmutations analogues à celles dont Lamarck soutenait la réalité, à celles dont il s’agit aujourd’hui. Par cela même, il se trouvait entraîné loin de son père, et il semble que la conviction du savant se soit trouvée chez lui en lutte avec le sentiment profond de piété filiale que nous lui avons tous connu. On dirait qu’il a cherché à les concilier en faisant quelques réserves
- ↑ Histoire naturelle générale des règnes organiques. Le troisième volume de ce livre n’est pas même entièrement terminé, et le programme placé en tête du premier nous apprend que l’auteur avait à peine rempli le tiers du cadre qu’il s’était tracé d’avance.