cins passaient la frontière sous un déguisement, et entraient dans la ville ; l’un d’eux s’établit comme ouvrier chez un cordonnier. Ces visiteurs n’étaient point mal reçus ; il y avait des autels cachés dans telle maison peu en vue. Les Genevois fabriquaient pour « les idolâtres » toute sorte d’ustensiles d’église, tels que cierges, bannières, missels, médailles, chapelets, crucifix. Ces petites industries furent prohibées.
Cependant l’introduction clandestine de quelque froc ou de quelque soutane dans la citadelle de Calvin ne pouvait suffire à l’ambition de Rome. — « Prenez garde à vous, écrivait aux rois de France et d’Espagne un pape du XVIe siècle, Genève est un foyer de révolutions. Si vous voulez être tranquilles, éteignez son gouvernement. » Le Vatican avait ordonné des prières publiques pour l’anéantissement de la Rome protestante, et promis la couronne royale au duc de Savoie, s’il parvenait à détruise ce séminaire de damnés. On connaît l’affaire de l’escalade (1602), cet assaut de nuit repoussé par les Genevois réveillés en sursaut ; tous les Savoyards enrôlés pour ce coup de main avaient communié et portaient des amulettes. La violence ayant échoué, Louis XIV essaya d’un autre moyen pour rétablir le catholicisme à Genève. Il installa en 1679 un résident français dans la petite république. Ce résident eut besoin d’une chapelle pour faire ses dévotions ; cette chapelle fut ouverte au public et hantée, non sans ostentation, par une foule d’étrangers. Toutes les prohibitions amènent les mêmes contrebandes : la légation de Prusse à Rome entretient de même en hiver une chapelle où se pressent les étrangers et aussi les zouaves du pape. Les Romains n’en sont pas révoltés ; mais les Genevois, il y a deux siècles, étaient plus croyans et par suite moins endurans que les Romains. Il y eut devant l’habitation du résident des attroupemens, des tumultes, un coup de feu partit. Le résident tint bon, il avait derrière lui Louis XIV. La révocation de l’édit de Nantes envoya des renforts à la petite république ; l’association protestante se retrempa, se rajeunit, jeta son lest, la lourde scolastique de Calvin, et au siècle suivant elle put défier les tempêtes. En 1759, il n’y avait à Genève, disent les actes du consistoire, que 227 catholiques, y compris, « la maison de M. de Voltaire et ses gens, faisant 13 catholiques romains. »
L’auxiliaire le plus puissant et le plus inattendu de l’église roumaine fut la révolution. Aux grands mouvemens et aux grands changemens, les minorités opprimées gagnent toujours quelque chose. Genève fut alors, comme elle a toujours été, la ville du refuge ; elle accueillit des prêtres persécutés, qui aussitôt, comme font trop souvent les réfugiés, combattirent chez elle et contre elle.