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d’Orient par un riche négociant de Bruges, serait à sa place dans le plus splendide décor de Véronèse. Une observation fort singulière à faire, c’est la prédilection marquée d’Hemling pour la couleur jaune, et les étranges effets pittoresque qu’il en tire. Il y a notamment dans le volet du triptyque de l’Adoration des Mages, où Hemling a peint la Présentation au temple, une certaine draperie jaune à nuance orangée de l’effet le plus bizarre, le plus heureux et le plus nouveau. Jamais, avant de voir les Hemling, nous n’avions supposé qu’il y eût de telles ressources dans cette couleur magnifique, mais qui, moins que toute autre, semble se prêter aux variétés des nuances et des teintes.

On connaît la légende probablement fausse sur les peintures d’Hemling. Soldat blessé, il les aurait exécutées pendant sa convalescence et laissées à l’hôpital Saint-Jean en remercîment des soins qu’il avait reçus ; mais, quelle que soit la cause qui en ait rendu l’hôpital Saint-Jean propriétaire, ces peintures sont bien à leur place naturelle dans un lieu où le christianisme abrite les malades et recueille les affligés, car elles ne présentent que des images de consolation et d’espérance. Dernier témoignage de l’antique magnificence de Bruges, elles sont bien aussi en harmonie avec le caractère de cette ville paisible, solitaire et d’une douceur mélancolique, où l’herbe pousse entre les pavés devant la statue de Van Eyck. On ne pouvait donc rêver pour elles un meilleur musée que l’édifice qui les possède et la ville dont elles sont aujourd’hui la plus sérieuse richesse.


EMILE MONTEGDT.