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On tend des pièges, on épie
Et la couvée et son départ,
On lit des traités du grand art,
On s’amuse à voler la pie !

Et le jour se passe, et la nuit,
Après la prière commune,
Sans remords comme sans rancune,
On repose en Dieu, loin du bruit.

Sans remords, j’ai bien dit peut-être,
Mais sans rancune ! Où vais-je, moi ?
Sans rancune, ce fils de roi
Sur qui pèse l’orgueil d’un maître !

Sans rancune, cet oiseleur
Qui se nomme le roi de France !
Cette âme sournoise à l’outrance
Qui couvre tout de sa pâleur !

Non, la chasse, quoi qu’on soutienne,
N’a point de charmes assez forts
Pour empêcher que du dehors
La sourde rumeur ne lui vienne.

A travers ses jeux, ses ébats,
Dans l’isolement qui l’accable,
Une voix profonde, implacable,
Lui parle sans cesse et tout bas ;

Voix puissante, sinistre, amère ;
« Suis-je assez lâche, assez honni !
Ces étrangers, ce Concini,
Misérables ! Et cette mère ! »


III


Après une nuit sans sommeil,
Il s’est levé, livide, étrange.
Albert dresse un piège à mésange,
L’aube scintille au ciel vermeil.

L’enfant-roi, le monarque imberbe,
Par terre assis sur son talon,
Joue avec un émérillon
Qui dévore un moineau dans l’herbe,