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progressif, ayant à sa tête quelqu’un de ces talens pleins de flamme comme en possédait dans ses beaux temps l’Académie royale de musique, comme en possède peut-être encore la jeune troupe de l’Académie impériale, et qui par intervalles se font jour dans ces représentations qu’on appelle à l’Opéra des lendemains.

Mlle  Orgeni, une des élèves préférées de Mme  Viardot, et dont on avait beaucoup parlé d’avance, vient de paraître dans la Traviata. Le premier soir, l’émotion de la cantatrice était telle que ceux qui l’avaient, comme nous, entendue en Allemagne chanter la Desdemona d’Otello ou la Valentine des Huguenots, ne la reconnaissaient plus. Que faut-il donc pour paralyser ainsi la voix, d’une personne de talent et compromettre en un instant son avenir ? Moins que rien, une robe mal attachée, le zèle indiscret d’un ami dont les applaudissemens partent trop tôt. Ce qu’on peut dire, c’est que cette première soirée, tout en n’étant pas heureuse, a périclité non par les fautes de la débutante, mais seulement par l’absence de ses moyens, dont la peur et je ne sais quelles mauvaises influences paraissaient lui ôter l’emploi. Trois jours plus tard, l’élève de Mme  Viardot s’est retrouvée à peu près elle-même. La voix de Mlle  Orgeni monte aisément, et cherche ses meilleur effets dans les régions élevées du soprano. Cette voix, ce qui, aujourd’hui du moins, ne serait pas un grand éloge, se rapproche beaucoup de celle de Mlle  Hamackers, de l’Opéra, dont on remarquera, et cette fois en manière de compliment, que Mlle  Orgeni rappelle aussi quelque peu la physionomie. Les notes du médium sortent absolument voilées, inconvénient partout regrettable, mais plus fâcheux encore chez une cantatrice douée d’un tempérament dramatique. N’importe, malgré sa revanche très honorable du lendemain, notre opinion est qu’il faut attendre et laisser à cette Allemande trop émue le temps de reprendre ses esprits, de se faire à notre langue, à nos façons d’être et de nous costumer, et ne la juger définitivement que dans un rôle plus favorable au libre essor de sa nature où les souvenirs de la Patti, de la Nilsson, ne viennent pas à chaque instant refroidir la bonne envie que le public aurait de l’encourager. Ajoutons que l’exécution du charmant ouvrage de Verdi au Théâtre-Lyrique ne mérite que des éloges. L’ensemble cette fois est excellent. Au rôle efféminé du jeune homme, à ce pathétique de cacodès transporté, on ne sait trop pourquoi, en pleine régence, et que Mario jouait en Cinq-Mars pour ne pas se couper la moustache, la voix du berger Monjauze, souvent ailleurs froide et transie, ne messied pas, et M. Lutz, un de ces comédiens de race qui partout, dans Mozart comme dans Halévy ou Verdi, se retrouvent à leur poste, prête au personnage de ce bon M. Duval un sérieux, une autorité, qui vous rappellent le don Luiz du Festin de Pierre.

Sur le Rienzi de M. Richard Wagner, qu’on monte activement, se concentrent en ce moment toutes les espérances du Théâtre-Lyrique. Il est naturellement fort question dans ce Rienzi de la république romaine. Si