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gâtines, ne se comprennent plus. Où pourrait se réfugier le gibier ?… » Non-seulement on déboise, on défriche, mais on est parvenu à faire porter à la terre de doubles et de triples récoltes annuelles ; que devient alors le couvert ? Si du moins lièvres et perdreaux étaient tranquilles ! mais jamais les champs ne se vident de travailleurs. La vigne même, que nos pères façonnaient deux fois l’an, est façonnée maintenant quatre fois, sans parler des soufrages. Or rien n’échappe à tant d’yeux clairvoyans. Il faut s’en réjouir, car la bonne culture importe bien plus que l’abondance du gibier ; mais ce n’en est pas moins là une des causes les plus efficaces de dépeuplement. Le braconnage compte-t-il en regard de tout ce que nous venons d’énumérer ?

Ce que nous disons du progrès agricole nous amène à notre second point, — les oiseaux. Sont-ils, oui ou non, les auxiliaires du cultivateur ? On a beaucoup souffert, cette année surtout, des dégâts faits par les chenilles, ainsi que des ravages des hannetons et de leurs larves. De toutes parts on s’est ému, et avec raison ; les sociétés d’agriculture ont délibéré, les journaux ont publié des articles, les préfets ont appelé les instituteurs à la rescousse ; bref, par divers moyens, on est parvenu à détruire une grande quantité de hannetons et de vers blancs. Avec les chenilles, qui ont fait peut-être moins de bruit, mais qui n’ont pas causé des pertes moins réelles, on n’a pas été aussi heureux. De guerre lasse, on s’est avisé que les oiseaux pouvaient bien manger les insectes, et l’on est rapidement arrivé à cette conclusion : protégeons les oiseaux, qui détruisent nos ennemis. Depuis longtemps les gens sensibles avaient pour les oiseaux une tendresse proverbiale, toutefois la mode en déclinait un peu, mais cette tendresse, étayée sur des raisons d’utilité publique, a maintenant repris de plus belle. Il ne se passe plus de session législative sans qu’on ne prononce de graves plaidoyers pour les oiseaux, et nos prélats, surtout au Luxembourg, se sont emparés de ce thème qui prête à tous les mouvemens d’une éloquence pastorale.

L’été dernier, au palais de l’Industrie, à l’occasion d’une exposition d’insectes, les apôtres de la cause nouvelle se sont largement donné carrière. Parmi beaucoup de choses disparates, on avait placé là des collections d’oiseaux insectivores empaillés. C’étaient cette fois non plus les chasseurs, mais les cultivateurs qu’on prétendait intéresser, et l’un des exposans faisait des conférences explicatives sur la mission « d’auxiliaires » dont quelques-uns surtout pouvaient à bon droit passer pour étranges. Comme preuve à l’appui, l’on avait empli des bocaux de débris d’alimens recueillis dans les estomacs, d’oiseaux de diverses espèces : pour les corbeaux choucas, les corbeaux noirs, les faucons cresserelles, les effraies, les hiboux brachiotes, les moyens-ducs, c’étaient des restes de hannetons et de vers blancs ; pour la buse commune, des sauterelles, des grillons et des criquets. Nous ferons grâce aux oiseaux de nuit, contre