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qu’à nos jours. Agassiz, appliquant cette donnée aux représentans d’une même classe, a soutenu que les espèces éteintes rappelaient à certains égards les embryons des espèces actuelles. Il y a certainement de l’exagération et plus d’apparence que de réalité dans cette manière de voir ; mais le fait seul qu’un homme aussi éminent qu’Agassiz ait cru pouvoir la soutenir donne une idée des rapports existant entre les êtres organisés que nous voyons et ceux qui les précédèrent à la surface du globe. Ajoutons que les espèces éteintes viennent toutes se ranger très naturellement à côté ou dans le voisinage des espèces vivantes. Pour les distribuer d’une manière méthodique, il n’a pas été nécessaire d’imaginer des nomenclatures, des classifications nouvelles. Pour trouver une place à tous les animaux fossiles découverts jusqu’ici, on n’a pas eu à créer une seule classe de plus. En revanche, ils ont comblé une foule de lacunes et rempli bon nombre de blancs dans celles qui existaient déjà. Les espèces éteintes et les espèces vivantes apparaissent donc comme les parties intégrantes d’un même système de création, réunissant par des rapports au fond toujours identiques le passé et le présent du monde organisé. Ces faits généraux s’accordent avec la théorie que j’ai exposée.

Un autre fait sur lequel Darwin a appelé l’attention, et qu’ont mis hors de doute les travaux de nos plus célèbres paléontologistes, est l’étroite parenté qui relie parfois dans une même contrée les vivans et les morts. Les faunes fossiles tertiaires de certaines régions présentent en effet avec la faune de nos jours des affinités d’autant plus frappantes que cette dernière est plus exceptionnelle. L’Australie avec ses marsupiaux, l’Amérique méridionale avec ses édentés, la Nouvelle-Zélande avec ses singuliers et gigantesques oiseaux, sont autant d’exemples remarquables de ce que Darwin appelle la loi de succession des types. Il est évident que ce n’est qu’un cas particulier, mais très curieux, de la loi de caractérisation permanente, maintenant à un haut degré le cachet d’un type donné pendant le développement d’espèces nouvelles, de genres nouveaux, et à travers les changemens subis par la croûte du globe.

Il est des faits d’une tout autre nature que la théorie doit également expliquer. Les types secondaires, simples modifications de types d’ordre ou de classe, sont loin de se propager toujours ainsi. On les voit au contraire se succéder et se remplacer, tantôt d’une manière progressive et lente, tantôt presque subitement ; une fois éteints, ils ne reparaissent plus. Il en est de même des espèces, et c’est de là que viennent l’importance et la sûreté des renseignemens que l’étude des fossiles fournit aux géologues. Or la sélection naturelle et la lutte pour l’existence rendent aisément compte de l’extinction soit des espèces isolées, soit des groupes les plus nom-