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qu’Atalie réussit, que c’est une pièce fort froide, et plusieurs autres choses qui m’ont fait pénétrer, par la connaissance que j’ai de cette cour là, que son personnage luy déplaît. Elle veut jouer Josabeth, qu’elle ne jouera pas comme la C. d’Ayen ; mais, après avoir receu, ses honnestetés là dessus, je luy ai dit que ce n’estoit pas à elle à se contraindre dans une chose qui ne se fait que pour son plaisir ; elle est ravie et trouve Atalie une fort belle pièce. Il faut la jouer, puisque nous y sommes engagés ; mais, en vérité, il n’est pas agréable de s’ingérer de rien, non pas mesme pour eux[1]. Vous failtes aussy ces sortes de choses là trop parfaittes, trop magnifiques et trop dépendantes d’eux. Si on y retourne l’année qui vient, il faudra y donner un autre tour. Il faut donc que la C. d’Ayen face Salomithe, car, sans compter l’honnesteté qu’on doit à Mme de Chailly, qu’on a fait venir exprès pour jouer Atalie, je ne puis me résoudre à voir la C. d’Ayen jouer la furieuse. Bon soir, mon cher neveu, que de dégoûts se trouvent en tout, que vous estes heureux d’estre sage, mais il faudra encore renoncer à vostre sagesse, qui, telle qu’elle est, ne vous satisfera jamais entièrement. »


Il faut à La Beaumelle des antithèses, des oppositions et des balancemens de mots. Mme de Maintenon écrit-elle au duc de Noailles, qui vient de perdre son père, il lui fait dire (nous soulignons les expressions qu’il ajoute) : « Je n’ai jamais autant senti le poids de ma fortune et de ma vieillesse, puisque l’une m’ôte le temps, l’autre la force (le texte manuscrit dit simplement qui m’a empêchée) de rendre à votre famille un devoir qui est encore plus de tendresse que de bienséance[2]. » Il lui fait écrire en 1709, pendant la famine : « Notre cour est toujours triste ; dans ce salon, où l’on ne parlait que de milliers de louis jetés sur une carte, de carrosses et de chevaux, on ne parle plus que de blé, d’orge et d’avoine. » Mme de Maintenon emploie-t-elle par hasard une expression un peu pittoresque ou recherchée, il s’en empare et la répète à satiété. Nomme-t-elle une fois par plaisanterie ses nièces « les princesses de mon sang, » ce mot reviendra dans le recueil de La Beaumelle cent fois au lieu d’une. — Boufflers est-il appelé par hommage, au courant de la plume, « notre Romain, » La Beaumelle remarque l’expression, et plus tard la développe. « Je crois, dit une des lettres authentiques, que M. de Boufflers ne serait pas fâché qu’on allât le chercher pour commander. » Au lieu de cela, nous lisons : « Je crois que ce Cincinnatus ne serait pas fâché qu’on allât le chercher à la charrue. » — Les souvenirs classiques ne lui déplaisent pas. Lui seul

  1. La Beaumelle, qui veut qu’on soit clair, traduit : « Il n’est point agréable de se mêler des plaisirs des grands. Quatre lignes plus bas, il lit à tort » de Mailly. »
  2. La Beaumelle, Lettres, t. V, p. 114.