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futur enfant. Quel était le trop heureux père? Elle n’en avait rien dit. Cats lui-même se savait à l’abri de tout reproche mérité; mais il y eut de violentes discussions parmi les jeunes gens, et « voyez-vous, ajoute notre conteur, lorsque le cuisinier se dispute avec le sommelier, on découvre souvent où s’en vont la graisse et le beurre. » Toute l’histoire était pourtant de l’invention de « Méduse; » néanmoins notre héros en tira sa première leçon de prudence en matière d’amour. Malgré son innocence, qui probablement n’était pas évidente pour tout le monde, il eut tellement peur des conséquences possibles de la moindre galanterie qu’il acheva ses études à Leyde sans rompre le vœu qu’il s’était fait à lui-même d’abjurer jusqu’à son mariage tout culte de Vénus.

Cependant, lors d’un séjour qu’il fit ensuite à Orléans pour se perfectionner dans l’usage du français et dans la science du droit, il oublia ses sermens. Nous ne savons au juste ce qui lui arriva dans cette ville, dont l’université jouissait encore d’un grand renom, et où il obtint le grade de docteur utriusque juris. Il se borne à nous dire qu’il a perdu bien du temps auprès des demoiselles de la ville. « J’y allais censément, continue-t-il, pour bien apprendre le français et revenir au pays avec une bonne prononciation... Les visites amicales duraient plusieurs heures, car, pour bien faire, il fallait qu’elles fussent longues, et ces demoiselles parlaient si bien, elles discouraient si gentiment, que j’avais presque oublié mon zélandais, ou du moins il me faisait l’effet d’un patois incolore et grossier. » Ce qui est certain, c’est que Cats quitta Orléans le cœur gros et le cœur pris. Il se rendit à Paris, qui ne lui plut guère. Sans doute il avait trop de motifs de préférence pour les bords de la Loire. C’est peut-être le désir d’oublier qui lui inspira l’idée d’aller en Italie; mais notre oncle de Zélande, qui craignait tant les influences étrangères, s’était aperçu de quelques changemens dans les sentimens de son neveu, et il fut d’avis qu’il était resté assez longtemps comme cela loin du pays natal. Force lui fut de revenir.

De retour en Hollande, il alla s’établir à La Haye comme avocat auprès de la cour suprême de la province. Il s’acquit bientôt une grande réputation. Il eut, entre autres succès de barreau, le bonheur de sauver une pauvre vieille femme de Schiedam accusée de sorcellerie. Son plaidoyer, sans attaquer au fond la question des sorciers, tendait cependant à reléguer toute cette partie des croyances populaires dans le domaine des chimères, et comme Cats était un homme très religieux, très attaché même à l’orthodoxie calviniste, il y eut là un précédent qui contribua beaucoup à rendre de plus en plus rares les procès pour crime de sortilège. « Le fait est, dit-il, qu’après mon plaidoyer, toute sorcellerie parut bannie