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circonstance, la Hollande fut heureuse d’avoir pour grand-pensionnaire un bon citoyen, d’humeur modérée, toujours enclin à pacifier les situations. Le stathouder Frédéric-Henri était mort un an avant la consolidation de l’œuvre à laquelle son père, son frère et lui avaient consacré leur vie. Maintenant que la guerre était finie, l’indépendance nationale assurée, la question se présentait de savoir si l’on continuerait au prince Guillaume d’Orange, fils de Frédéric-Henri, qui n’avait que vingt et un ans, les pouvoirs militaires et les honneurs presque royaux inhérens au titre de stathouder. Or le jeune homme était ambitieux, il rêvait la gloire militaire. Les états au contraire voulaient désarmer, congédier les troupes, faire des économies. Le prince d’Orange, fort des sympathies chaleureuses de la masse, essaya de l’intimidation. Il tenta un petit coup d’état, fit incarcérer à Lowestein six députés de la province de Hollande, républicains ardens, parmi lesquels le père des De Witt, qui ne pardonna jamais cette violence à la maison d’Orange, et tâcha par un coup de main de s’emparer d’Amsterdam, la ville la plus récalcitrante; mais le coup de main échoua, et la guerre civile allait peut-être ravager les provinces, lorsque quelques bons citoyens, Jacob Cats à leur tête, intervinrent. Ils ramenèrent la paix en ménageant par quelques concessions de forme l’amour-propre du jeune prince, un peu étourdi de la résistance imprévue que rencontraient ses desseins. à se rendit d’assez bonne grâce aux représentations du vieux pensionnaire. On a lieu de croire pourtant qu’il nourrissait toujours les mêmes vues ambitieuses, attendant une occasion plus favorable, quand la mort le surprit à la suite d’une partie de chasse. Huit jours après naissait son fils unique, un enfant chétif et malingre qui devait plus tard, sous le nom de Guillaume III, porter au pinacle la grandeur de la maison d’Orange.

Cette mort, le très bas âge du nouveau prince, tranchaient pour un temps, et dans un sens conforme aux vœux des républicains, la grande question du stathoudérat. C’est en vain que la mère et la grand’ mère de l’enfant tâchèrent de lui assurer la survivance des titres et des fonctions dévolus à ses ancêtres. Si elles eussent réussi, la dynastie était fondée, le stathoudérat eût été par le fait proclamé héréditaire; mais la bourgeoisie gouvernante fit la sourde oreille, et bientôt on vit arriver à la direction exclusive des affaires cette aristocratie municipale dont Jean De Witt fut l’âme, le héros et le martyr. Une assemblée fut convoquée à La Haye pour régler et améliorer les trois grands intérêts du pays : l’union, la religion et l’armée (unie, religic en militie), et Cats fut appelé à l’honneur de la présider. Là encore son rôle fut plus honorable que brillant, et du reste cette assemblée ne fit pas grand’chose. Peu de jours