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ne peut plus, comme autrefois, laisser le bétail la nuit durant la belle saison. Ayant pour repaire les forêts de la Bretèche et de la Madeleine, situées à quelques lieues, les loups trouvent à se cacher temporairement, même le jour, entre les épais et gigantesques roseaux des prairies. En vain on avait essayé l’emploi d’appâts empoisonnés : quelques malheureux renards, ne justifiant guère leur vieille réputation de finesse, s’y étaient seuls laissé prendre. La région possède dans son voisinage un lieutenant de louveterie fort expert, assure-t-on, dans l’art des Nemrods, et depuis peu investi de ses fonctions. Quoique sa charge soit une charge nue, qui mette peu de moyens à la disposition du titulaire, il est à désirer qu’il puisse organiser pendant un certain laps de temps des battues incessantes dans toutes les forêts voisines, seul moyen d’obvier à des dangers qui contrastent si tristement avec l’état de notre civilisation.

En dehors de ce besoin élémentaire touchant à la sécurité publique et qui n’a guère fait que s’accroître, le pays briéron a, lui aussi, malgré son isolement, profité en une mesure notable du progrès matériel contemporain. Il a vu ses industries les plus primitives rattachées par la force des choses au courant de la circulation générale. Grâce au chemin de fer, la chasse et la pêche elles-mêmes en ont profité pour la vente de leurs produits. L’amélioration de la vie locale a été la suite de cette extension des échanges, et cependant la population n’en a pas moins conservé ses mœurs anciennes et la simplicité de sa vie. Le progrès économique a donc pu se concilier sans peine avec ce qu’il y avait de meilleur dans son existence. C’est un résultat à noter au moment où nous allons voir sous quel aspect les mêmes influences se sont produites dans la seconde branche du groupe rural de la Basse-Loire, c’est-à-dire au milieu des cultivateurs qui ne connaissent que la charrue et l’aiguillon.


II.

Dans un pays essentiellement agricole comme le pays de Retz et comme une partie de la région située entre la Basse-Loire et la Vilaine, le mouvement économique rencontrait des intérêts bien plus variés qu’aux alentours de la Grande-Brière. Il entraînait avec lui des exigences plus complexes, ne fût-ce qu’au point de vue des connaissances désormais nécessaires à chacun. Quelle différence énorme, par exemple, entre ce qu’un cultivateur doit savoir aujourd’hui et ce qu’il lui suffisait de connaître il y a un siècle ou seulement un demi-siècle! De même que l’herbe croît dans ses champs sans qu’il la voie pousser, de même des élémens entièrement neufs l’ont à son insu enveloppé et transformé. Sous ce