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fraudes; je lui disais que tous ses ennemis ne se reposeraient pas avant d’avoir consommé sa ruine, sa cause fût-elle plus juste que celle du Christ; je lui disais de ne pas trop se fier à la protection du roi, la faveur des princes étant inconstante et leurs affections étant facilement changées par les artifices des délateurs ; je lui disais enfin que même les plus grands princes se laissent fatiguer souvent par l’improbité de ces gens et cèdent quelquefois encore à la crainte que ces gens leur inspirent, et que le roi François, étant d’ailleurs le meilleur des hommes, n’avait pas été jusqu’alors très bien servi par la fortune... Et si tout cela ne pouvait le toucher, je lui disais de ne pas m’engager dans son affaire, parce que je ne voulais, avec sa permission, avoir rien à démêler avec des légions de moines et toute une faculté de théologie ; mais je ne réussis pas à le convaincre : quand j’argumentais de tant de façons pour le détourner de son entreprise, je ne faisais qu’exciter son courage. »


Cette entreprise fut d’abord heureusement conduite. Berquin, ayant extrait des écrits de Bédier contre Érasme et Lefebvre douze propositions qu’il estime suffisamment impies, va lui-même les porter au roi. Une lettre de Marguerite le présente et l’introduit. « Monseigneur, écrit-elle à son frère, le pauvre Berquin, qui par votre bonté tient que Dieu lui a sauvé la vie par deux fois, s’en va devers vous, n’ayant plus personne à qui il puisse avoir adresse, pour vous donner à connaître son innocence, et pour ce, monseigneur, que je sais l’estime en quoi vous le tenez, et le désir qu’il a et a toujours eu de vous faire service, je ne crains vous supplier par lettre au lieu de la parole qu’il vous plaise en avoir pitié. Et, s’il vous plaît faire semblant de prendre son affaire à cœur, j’espère que la vérité qu’il fera apparaître rendra les forgeurs d’hérétiques plus maldisans et désobéissans à vous que zélateurs de la foi[1]. »

François faisait grand cas d’Érasme, de Lefebvre, de Berquin, et il détestait Bédier à cause de son humeur querelleuse et de son acharnement à décrier toutes les gloires. Quand donc il eut entre les mains les douze propositions remises et sans doute habilement commentées par Berquin, il les fit porter le 9 juillet 1527 à l’Université de Paris par l’évêque de Bazas, les soumettant à l’examen de toutes les facultés et de toutes les nations. C’était un premier succès. Les trois facultés de théologie, de décret et de médecine n’avaient qu’un sentiment à l’égard de toute nouveauté. Oui, les médecins eux-mêmes, en ce temps-là, trouvaient convenable de faire brûler les gens qui avaient mal parlé du célibat. Toutefois entre les nations il existait de graves dissidences ; ainsi dans celles

  1. Lettres de Marguerite, t. II, p. 96, 97.